D’après leurs prédications, l’Univers reconnoît un seul Maître : le monde n’est plus qu’une figure qui passe, ses biens qu’une vapeur qui se dissipe ; la vie qu’un passage à un autre plus durable, & dont l’usage de la premiere fixera le sort : l’Homme, cet être auparavant si foible, triomphe de ce que le monde a de plus flatteur & de plus redoutable : les combats qu’il est contraint de livrer à ses passions, sont la source de son repos & de celui de ses semblables ; le mariage est rappelé à son institution primitive : les Loix qui n’arrêtoient que la main, agissent sur le cœur : la bienséance devient un devoir général, même à l’égard des ennemis : le disciple d’Epicure embrasse cette morale mortifiante & austere : on ne reconnoît plus l’Homme dans l’Homme, comme l’a dit Bossuet ; mais dans cette étonnante révolution, on reconnoît le doigt de Dieu.
Le même don qui suscite en lui une vision originale et nouvelle le contraint à appliquer sans cesse cette vision unique : comme si le pouvoir d’innover, d’échapper à l’imitation des formes passées, supposait une force si excessive que, s’étant une fois manifestée chez un être, elle dût, par la suite, le dominer toujours.