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2211. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Dans sa passion pour Mme de la Vallière, et plus tard pour Mme de Montespan, le devoir se fit sentir bien longtemps avant la satiété, et troubla le passé par des regrets, le présent par des scrupules douloureux. […] Tel est ce « flatteur de Louis », auquel, si l’on en croyait Voltaire, Louis XIV aurait passé la liberté de « censurer tout » pourvu qu’il fut loué. […] Dans ce temps-là, Bossuet, par une connaissance admirable de nos forces et de notre faiblesse, faisait passer le repentir avant l’innocence même. […] Il en faisait passer le fond avant la façon, et, quoique fort sensible à un beau sermon, il savait ne pas s’ennuyer à un sermon médiocre. […] Telle était, en effet, l’exactitude des descriptions du prédicateur, qu’il passa pour mettre les personnes dans ses sermons, et que chacun put craindre d’être à son tour étalé, du haut de la chaire de vérité, en exemple au prochain.

2212. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Notre grand souci doit être de suppléer, autant que possible, à l’observation présente, personnelle, directe et sensible, que nous ne pouvons plus pratiquer : car elle est la seule voie qui fasse connaître l’homme ; rendons-nous le passé présent ; pour juger une chose, il faut qu’elle soit présente ; il n’y a pas d’expérience des objets absents. […] Quelques races, par exemple les classiques, passent de la première à la seconde par une échelle graduée d’idées régulièrement classées et de plus en plus générales ; d’autres, par exemple les germaniques, opèrent la même traversée par bonds, sans uniformité, après des tâtonnements prolongés et vagues. […] En sorte qu’à chaque moment on peut considérer le caractère d’un peuple comme le résumé de toutes ses actions et de toutes ses sensations précédentes, c’est-à-dire comme une quantité et comme un poids, non pas infini2, puisque toute chose dans la nature est bornée, mais disproportionné au reste et presque impossible à soulever, puisque chaque minute d’un passé presque infini a contribué à l’alourdir, et que, pour emporter la balance, il faudrait accumuler dans l’autre plateau un nombre d’actions et de sensations encore plus grand. […] Si enfin le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de subordination et l’idée du devoir, vous apercevrez comme dans les nations germaniques la sécurité et le bonheur du ménage, la solide assiette de la vie domestique, le développement tardif et incomplet de la vie mondaine, la déférence innée pour les dignités établies, la superstition du passé, le maintien des inégalités sociales, le respect naturel et habituel de la loi. […] Sitôt que nous savons quelle est la condition suffisante et nécessaire d’une de ces vastes apparitions, notre esprit a prise aussi bien sur l’avenir que sur le passé.

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