La Revue des Deux Mondes et les écrivains qui tiennent à honneur de lui appartenir ont été récemment l’objet de telles attaques violentes et outrageuses, outrageuses et pour ceux qu’on y désignait malignement, et pour ceux qu’on y passait sous silence, en ayant l’air de les ménager, et pour ceux surtout qu’on cherchait à y flatter en se les donnant pour auxiliaires, que c’est un devoir à eux, non pas de se défendre (ils n’en ont pas besoin), mais de témoigner de leurs sentiments, de leurs principes, et de marquer de nouveau leur attitude. […] Voilà le vrai ; et de plus, il est résulté de ces années d’expérience et de pratique commune que cette doctrine critique, qu’on cherchait à introduire dès l’abord, s’est formée de la manière dont ces sortes de choses se forment le mieux, c’est-à-dire lentement, insensiblement, comme il sied à des hommes d’âge déjà mûr, qui ont passé par les diverses épreuves de leur temps, et qui sont guéris des excès. […] Elle voudrait, contre les excès de tout genre, établir et pratiquer une critique de répression et de justesse, de bonne police et de convenance, une critique pourtant capable d’exemples, et qui, sachant se dérober par intervalles au spectacle d’alentour, à ces combats de Centaures et de Lapithes comme ceux que nous voyons aujourd’hui, irait s’oublier encore et se complaire à de studieuses, à d’agréables reproductions du passé. […] Il ne suffit pas d’être de ses collaborateurs ou d’avoir un moment passé dans leurs rangs pour être à l’instant et à tout jamais loué, épousé, préconisé, comme cela se voit ailleurs : on a pu même trouver à cet égard que la Revue a souvent exercé jusque sur elle-même une justice bien scrupuleuse. […] On dirait que les injures à l’O’Connell ont passé le détroit, et qu’elles sont à l’ordre du jour en France : c’est là, je crois, dans son vrai sens cette fameuse brigade irlandaise qu’il se vantait de nous prêter.
Durant les sept années qu’il passa dans la docte Congrégation de Saint-Maur, il dissimula de son mieux, il fit effort sur lui-même ; mais la nature l’emporta, et il rompit ses liens par une fuite éclatante en 1728. […] Lorsque Prevost se décida à sortir de la Congrégation de Saint-Maur, il ne songeait d’abord qu’à se retirer à Cluny, où la règle était moins austère ; il voulait simplement, comme il va nous le dire, quitter la Congrégation pour passer dans le grand Ordre , changer de branche au sein du même Ordre. […] Mais lisons d’abord, nous raisonnerons après : « Mon Révérend Père, « Je ferai demain ce que je devrois avoir fait il y a plusieurs années, ou plutôt ce que je devrois ne m’être jamais mis dans la nécessité de faire ; je quitterai la Congrégation pour passer dans le grand Ordre. […] S’ils en veulent à mes foiblesses, je leur passe condamnation, et ils me trouveront toujours prêt à renouveler l’aveu que j’ai déjà fait au public. […] Ces Prevost avaient la parole vive comme l’imagination, mais avec eux beaucoup de choses se passaient en paroles262.