Si l’auteur avait publié cette correspondance de voyageur dans un but purement personnel, il lui eût probablement fait subir de notables altérations ; il eût supprimé beaucoup de détails ; il eût effacé partout l’intimité et le sourire ; il eût extirpé et sarclé avec soin le moi, cette mauvaise herbe qui repousse toujours sous la plume de l’écrivain livré aux épanchements familiers ; il eût peut-être renoncé absolument, par le sentiment même de son infériorité, à la forme épistolaire, que les très grands esprits ont seuls, à son avis, le droit d’employer vis-à-vis du public. […] Et puis, il reste, comme il convient, toujours et partout retranché dans le silence et le demi-jour, qui favorisent l’observation.
Ce redoutable et consolant Ézéchiel, le révélateur tragique du progrès, a toutes sortes de passages singuliers, d’un sens profond : — « La voix me dit : remplis la paume de ta main de charbons de feu, et répands-les sur la ville. » Et ailleurs : « L’esprit étant entré en eux, partout où allait l’esprit, ils allaient. » Et ailleurs : « Une main fut envoyée vers moi. […] Partout où il y a agglomération d’hommes, il doit y avoir, dans un lieu spécial, un explicateur public des grands penseurs.