Une précaution est à prendre en abordant ces lettres : pour n’y point avoir de mécompte, il faut se dire une partie de la préoccupation et du dessein de la jeune fille qui les écrit. […] Le fleuve qui vient de la droite laisse couler paisiblement devant ma demeure ses ondes salutaires… » Voilà sans doute un harmonieux début pour exprimer le coin du quai des Lunettes ; nous regrettons que l’éditeur n’ait pas fait de nombreux retranchements dans toute cette partie élémentaire qui n’avait d’intérêt que comme échantillon ; tant d’autres peintures franches et fraîches à côté y auraient gagné. […] L’unité de cette Correspondance, que quelques suppressions eussent mieux fait ressortir, est dans l’amitié de deux jeunes filles, dans cette amitié d’abord passionnée, au moins chez Mlle Phlipon, et qui, partie du couvent avec ses petits orages, ses incidents journaliers, ses hausses et ses baisses, s’en vint, après quelques années, expirer au mariage : et quand je dis expirer, je ne veux parler que de la forme vive et passionnée, car le fond subsista toujours. […] C’est toutefois sur ces parties que j’aurais voulu que l’éditeur fit tomber de nombreuses coupures. […] Dans toute cette partie finale et déjà bien grave de la Correspondance, au milieu des vicissitudes domestiques et des malheurs qui assiégent l’existence de celle qui n’est déjà plus une jeune fille, il ressort pourtant une qualité qu’on ne saurait assez louer ; un je ne sais quoi de sain, de probe et de vaillant, émane de ces pages ; agir, avant tout, agir : « Il est très-vrai, aime-t-elle à le répéter, que le principe du bien réside uniquement dans cette activité précieuse qui nous arrache au néant et nous rend propres à tout. » De cet amour du travail qu’elle pratique, découlent pour elle estime, vertu, bonheur, toutes choses dans lesquelles elle a su vivre, et qui ne lui ont pas fait faute même à l’heure de mourir.
À aucun moment ni dans aucune partie de la vie et de l’œuvre de mon illustre prédécesseur, je n’aurai d’autre embarras que d’égaler mon respect et ma louange aux mérites d’une vie et d’une œuvre si évidemment bienfaisantes. […] Il fut de ceux dont on peut dire qu’ils sont meilleurs qu’une partie de leurs actes, parce que ses actes furent rarement siens ou que rarement il y fut tout entier. […] Il écrivait en terminant : « Nous ne devons pas oublier que les femmes sont mères deux fois, par l’enfantement et par l’éducation ; songeons donc à organiser aussi l’éducation des filles, car une partie de nos embarras actuels provient de ce que nous avons laissé cette éducation aux mains de gens…3 enfin, de gens qui n’avaient pas toute la confiance de M. […] Il en eut de déclarés et de violents : la plus grande partie des évêques et du clergé. […] Car (pour ramener la complexité des choses à des expressions toutes simples) on aurait presque tout dit en disant que si la Grèce s’éleva par sa générosité charmante, elle périt par quelque chose d’assez approchant de ce que nous nommons le dilettantisme ; et de même, si c’est en somme par la vertu que grandit la république romaine, dire que, avant de mourir par les barbares, l’Empire mourut du mensonge initial d’Auguste et de n’avoir pas eu les institutions qui en eussent fait une patrie au lieu d’un assemblage de provinces, et à la fois de la corruption païenne et de l’indifférence chrétienne à l’égard de la cité terrestre, et encore de l’abus de la fiscalité qui amena la disparition de la classe moyenne, c’est dire, au fond, qu’il périt faute de franchise ou de bon jugement chez ses fondateurs, faute de liberté et d’égalité, faute de communion morale entre ses parties et, finalement, faute de bonté. — Et toutefois le sévère historien sait gré à Rome d’avoir eu quelque chose de ce qu’il lui reproche de n’avoir pas eu assez.