Jal, dans l’article Saint-André de son très-utile Dictionnaire critique de Biographie et d’Histoire (1867), essaye de tout remettre en question, ne veut voir dans ces passages des rapports de Villaret relatifs à Jean-Bon que de la courtoisie de langage, et ne peut, sur le fond du procès, se résoudre à dire oui, ni se décider non plus à dire non ; heureusement les hommes qui sauvèrent la France coûte que coûte en 93 étaient plus prompts à prendre un parti. […] Mettant à l’écart la représentation dont la nécessité ne lui était pas démontrée, et le respect de certaines convenances dont il n’avait même pas l’idée, Jean-Bon, du reste, ne laissait rien à désirer : travailleur infatigable, administrateur toujours prêt, sévèrement juste sans acception de parti, il comblait les vœux du département que d’abord il avait effrayé. […] A certains mots hardis que Jean-Bon profère en des moments où il n’est qu’à deux pas de l’Empereur (par exemple, dans la scène du bateau sur le Rhin), on dirait que Beugnot, en les rapportant, s’amuse à les mettre en saillie pour mieux faire ressortir ses propres frayeurs à lui-même, frayeurs dont il avait pris le parti de rire, ne pouvant les maîtriser.
C’est ainsi que la page suivante a toute sa valeur, venant de lui ; elle résume encore aujourd’hui avec exactitude ce que tant de publications récentes et de correspondances secrètes ont appris et démontré en détail : il vient de faire une revue générale des partis : « … Tel était alors l’état de la nation dont les représentants faibles ou corrompus avaient à régler les destinées ; ils en étaient incapables. […] … » A un endroit précédent, à l’occasion d’un projet de translation de l’Assemblée hors de Versailles, avant les 5 et 6 octobre, projet très avancé, mais auquel Louis xvi trouvait une sorte de honte à se soumettre, sans y substituer pourtant rien de mieux, Malouet, parlant de cette incapacité foncière de Louis xvi à prendre un parti, disait : « Il y a tel capitaine de grenadiers qui l’eût sauvé, lui et l’État, s’il l’avait laissé faire. » Oui, mais ce salut n’eût été que pour l’instant même ; il eût fallu recommencer le lendemain et tous les jours. […] Le roi, au contraire, aimait mes opinions politiques, il les partageait ; mais dans leur application il me trouvait trop tranchant, trop pressé de prendre un parti décisif ; il voulait user la démocratie ; il regardait le républicanisme comme une chimère qui ne pouvait durer ; la reine et Madame Élisabath pensaient de même ; tous les rapports qui leur arrivaient des provinces annonçaient une amélioration sensible dans l’opinion publique !