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648. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade était de ceux qui se défient d’eux-mêmes, qui ne sont jamais plus contents et plus à l’aise que quand ils parviennent à penser et à sentir avec les pensées et les paroles des autres, soit celles des anciens, soit celles des illustres ou même des moindres d’entre les modernes. […] Mais, à la rencontre, pour tous et en tout lieu, il se montrait toujours gracieux en paroles ; c’était un savant de bon ton. […] « Le même, dans Bajazet : Quand je fais tout pour lui, s’il ne fait tout pour moi… « La Fontaine dans une fable (la 8me du livre XII) : Ce que je sais, c’est qu’aux grosses paroles On en vient sur un rien, plus des trois quarts du temps. […] ce n’est pas là donner un baiser, ma chère, c’est donner seulement le regret mortel d’un baiser. » Ces fins érudits sont volontiers égrillards en paroles quand ils citent grec et latin : il faut bien qu’ils se payent de leur peine et de leur ennui.

649. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il faut connaître l’homme pour bien traiter cette matière-là. » Que l’on rapproche cette parole de Boileau, qui est la sagesse même, de la réponse que fit le duc de Bourgogne aux Comédiens qui venaient lui demander sa protection et la continuation des bontés qu’avait eues pour eux feu Monseigneur son père : « Pour ma protection, non ; mais, comme votre métier est devenu en quelque sorte nécessaire en France, consentez à y a être tolérés. » Après quoi il leur tourna le dos, et, moyennant cette tolérance de mépris, les théâtres furent rouverts. […] Mais, d’autre part, j’ai un jeune ami des plus distingués à qui, dans un mouvement d’explosion sincère, il est arrivé de dire devant moi, à propos de ce même historien : « Le jour où M*** disparaîtrait, je sentirais une fibre se briser dans mon cœur. » J’ai compris dès lors que, pour être ainsi aimé et chéri, pour exciter en des âmes d’élite de tels tressaillements, il fallait que cet homme aux brillants défauts, à la parole pénétrante, eût quelque chose d’à part et de profond qui m’échappait, je ne sais quel don d’attrait et d’émotion qui a ou qui a eu sa vertu, et depuis ce jour je me suis mis à le respecter et à respecter en lui ceux qui le sentent si tendrement et qui l’aiment. […] C’est, qu’ils ne sont pas polis comme était notre ami, que je soutiens toujours qui l’était, malgré ceux qui n’ont que la politesse des paroles. » L’admiration de Marais pour l’auteur de ce curieux Dictionnaire historique, où la part des faits et celle des réflexions sont en effet distinctes, n’allait pas cependant jusqu’à lui passer l’article David où l’érudit s’était par trop émancipé en malices, et où il avait donné carrière à un certain libertinage d’esprit qui calomniait ses mœurs. […] Poirson, que vous ayez cru sur parole M. de L., m’accusant d’avoir pu écrire une Histoire de Henri IV en quatre volumes sans prononcer le nom de Gabrielle d’Estrées, et que vous ayez accueilli cette imputation dans votre article du 24 octobre.

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