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426. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Vous savez, il a eu l’idée en musique, quand les paroles étaient tristes, de faire trou trou trou au lieu de tra tra tra. […] Contre la fenêtre du fond, par où vient un jour crépusculaire de cinq heures, et à contre-jour, se tient une ombre grise sur cette lumière pâle, une femme qui ne se lève pas, reste immobile à notre salut de corps et de paroles. […] Physionomie de femme et parole d’homme : là seulement est mon plaisir, mon intérêt. […] Il donnait des poignées de main aux domestiques, et placé à côté de Mme de Bellune, chaque fois qu’un convive lui adressait la parole, il saluait, ayant, par une habitude de paysan, gardé son chapeau sur la tête. […] » Sainte-Beuve a ainsi un petit ânonnement qui le mène d’une pensée à une autre, et lie sa parole. « Hum !

427. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Le style, c’est la parole, organe de la sociabilité, devenue de plus en plus expressive, acquérant un pouvoir à la fois significatif et suggestif qui en fait l’instrument d’une sympathie universelle. […] Mais le poétique du style n’est pas seulement dans les images, le rythme et l’accent : il est aussi, il est surtout dans le caractère expressif et suggestif des paroles. […] La poésie dépend des retentissements de la parole dans l’esprit de l’auditeur, de la multitude et de la profondeur des échos éveillés : dans la nature, les échos qui ; vont résonnant et mourant sont poétiques par excellence ; il en est de même dans la pensée et dans le cœur. […] Les paroles battaient à l’unisson de même que les deux cœurs ; elles retombèrent sur le même son, comme un écho. Ainsi naquit en Perse la poésie, et le rythme, et la rime. » C’est dire que la poésie est la sympathie même trouvant une forme qui lui répond, une harmonie des âmes s’exprimant par l’harmonie des paroles et par leurs échos multipliés.

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