Le poète lyrique du xvie siècle chercha aussi, comme l’ancien Thébain, à enchaîner ses rythmes à la musique, et à leur donner ces ailes qui font courir une parole chantante sur les lèvres des hommes : mais il eut beau s’efforcer, sa tentative interrompue, son échafaudage ne sert qu’à marquer sa ruine et à mieux faire mesurer l’infinie distance qu’il y a entre cette ode publique chantée et presque jouée de Pindare, et cette emphase moderne toute métaphorique, plus apparente ici dans une langue roide, neuve, et tout exprès fabriquée. […] Je l’ai presque déjà fait au début, par des paroles de Fénelon ; je le ferai encore ici en terminant, et par des paroles de Chapelain. […] D’où vient cette servile et désagréable imitation des anciens que chacun remarque dans ses ouvrages, jusques à vouloir introduire dans tout ce qu’il faisait en notre langue tous ces noms des déités grecques, qui passent au peuple, pour qui est faite la poésie, pour autant de galimatias, de barbarismes et de paroles de grimoire, avec d’autant plus de blâme pour lui, qu’en plusieurs endroits il déclame contre ceux qui font des vers en langue étrangère, comme si les siens, en ce particulier, n’étaient pas étrangers et inintelligibles.
Tous les genres d’intérêt sont là réunis, et après même que la compassion contemporaine et vivante pour le grand homme souffrant est épuisée, les moindres de ses paroles conservées et transmises appartiennent à jamais au monde et vont émouvoir encore ou instruire la dernière postérité. […] En toutes choses il faut traiter les hommes de la sorte et leur supposer les vertus qu’on veut leur inspirer. » Je suis extrêmement frappé, dans ces paroles venues de Sainte-Hélène, du point de vue auquel se place invariablement Napoléon. […] Ceux (et j’en ai connu) qui, nourris dans les idées opposantes, croyaient à Napoléon moins d’estime pour la nature humaine, sont heureusement combattus et en partie réfutés par de telles pages, par de telles paroles empreintes à la fois de sérieux et d’indulgence. Et en général, cette école de philosophes systématiques et distingués qui, dans leur classification un peu bizarre des grands hommes de l’histoire, ne voulaient voir en Napoléon dont ils méconnaissaient toute l’œuvre de création civile qu’un grand et puissant rétrogradateur, ne saurait soutenir désormais un pareil sentiment après tant de paroles de sagesse, de haute clairvoyance et presque de prophétie sociale, sorties de Sainte-Hélène, et qui révèlent un fond d’âme égal ou supérieur, s’il se peut, aux actes, et parfois meilleur.