La persécution des Albigeois, cette affreuse page de son pontificat, ne fut point son œuvre, comme l’a dit une indignation généreuse. […] Sismondi lui-même, malgré tout ce sang versé qui l’aveugle et le fait frémir, y voit clair encore, et à la page 412 du VIe volume de son Histoire, frappé du langage d’Innocent dans ses lettres après que les ambassadeurs d’Aragon lui eurent dévoilé la vérité, il avoue que ce Pape put être trompé par ses légats. […] Le Pape qui eût profité de cette circonstance (mais pour cela il fallait la juger) aurait eu la plus magnifique page dans l’histoire. […] Par exemple (Ier volume, page 161), à propos de l’entremise du Pape dans la répudiation d’Ingeburge, que « sous Louis XV, l’Europe eût été préservée de grands malheurs s’il s’était rencontré un pontife comme Innocent III ».
Nous prenons la liberté de reproduire cette page en entier. […] On s’étonnera, à la fin, de cette persévérance à ternir une belle réputation, dont les titres, incontestés jusqu’ici, sont l’élévation du sentiment, le culte fervent de l’art, une haute probité critique, une pureté de goût littéraire que les ménagements d’une bienveillance instinctive ne peuvent altérer, et surtout ce désintéressement, cette indépendance qui s’effarouchent, à tort selon nous, des distinctions les plus méritées* [* Voir à ce sujet, dans Souvenirs et Indiscrétions, pages 198 et 203, ce qui se rapporte à cette année même et aux années suivantes dans une Note confidentielle de M.