Je ne savais auquel courir, du général ou de mon père ; la nature en décida : je me jetai dans les bras de mon père et je lui cherchais un reste de vie, que je craignais ne plus lui trouver, lorsqu’il m’adressa ces paroles que toute la France trouva si belles, qu’elle compara le cœur qui les avait dictées à ceux des anciens et véritables Romains ; et je crois que la mémoire s’en conservera longtemps. […] mon fils, s’écria-t-il, ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est la mort de ce grand homme ; vous allez, selon toute apparence, perdre un père ; mais votre patrie, ni vous, ne retrouverez jamais un pareil général.” — En achevant ces mots, les larmes lui tombaient des yeux. — “Que vas-tu devenir, pauvre armée ?” […] Le noble père survécut à sa blessure.
Et tu vois dans l’avenir « toutes les générations à genoux et demandant à la mémoire du supplicié glorieux le pardon du crime de leurs pères ». […] Et le fils du mort, imbécile scientifique, étranger à toutes les vraies fiertés et à toutes les délicatesses morales, s’attarde indéfiniment à instruire le procès de son père. […] Comment m’expliquera-t-on cela, et n’est-il pas de toute évidence que mon père avait justifié sa conduite et qu’il ne restait rien de ce qu’on avait eu peut-être à lui reprocher ? » Il ne sent pas, l’inconscient, que sottise et maladresse peuvent aller jusqu’au sacrilège et que ses doigts grossiers salissent la mémoire de son père.