Sans ses ennemis politiques, sans ces papes qu’il osait damner, ne croyant pas que ce fût assez de les insulter et de les maudire, Dante, ce Juvénal du Moyen Age, ce pamphlétaire plus grand que Tacite, auquel des critiques qui ressemblent un peu aux petits garçons de Florence ont voulu donner l’air inspiré d’un prophète revenant de l’autre monde, tandis qu’il est un homme du temps, se possédant fort bien, au contraire, et tenant d’une main très-froide son stylet de feu, Dante n’aurait jamais songé à enfoncer son profond regard, fait pour juger les hommes et leur commander, dans cette conception de l’enfer, dont la vision pour lui se mêle à d’autres rêves et qu’il a faussée au profit de ses haines et sous le coup de ses douleurs. […] osé nous donner, dans son recueil d’aujourd’hui, une poésie d’yeux, après tant de poésies d’oreilles, et il y a dessiné, physiquement et géométriquement dessiné, en figure de pyramide, taillant pour cela ses vers comme des pierres, la poésie qui porte ce nom ! […] n’aurait-il pas osé s’expliquer, lui qui écrit ses préfaces en vers aussi commodément qu’en prose, sur cette pièce, unique de sa sorte, de façon que nous ne savons pas si, en faisant flairer cette chinoiserie à sa Muse et au public de sa Muse, il a voulu les en effrayer l’une et l’autre ou les y accoutumer tous les deux ?
Oserait-on déclarer, dans une même société moderne, la coexistence de deux droits différents, fixant, pour un même acte, une forte peine s’il a été commis par un artisan, une faible peine s’il a été commis par un propriétaire ? […] Mais qui oserait soutenir que les institutions familiales ou communales révèlent la présence de l’idée de l’égalité telle que nous l’avons définie ? […] De fait, tandis qu’un Aristote, cédant sans doute à la pression de son temps, n’ose assimiler les esclaves aux hommes, ce n’est pas une voix, mais vingt voix qui s’élèvent, sous l’Empire, pour demander que les esclaves soient enfin traités comme des hommes.