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32. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Mais Corneille n’aurait jamais osé faire entendre ce galop de cheval, qui aurait trop averti les spectateurs du changement et de l’éloignement du lieu. […] Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris ; Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent Et courent se livrer aux mains qui les attendent. […] Sous prétexte de chasser, à la maison de campagne où je me suis retirée, il va, vient, regarde, écoute, indiscret autant qu’osé, et, pour me faire dépit, il tire à mon colombier ; les flèches qu’il lance en l’air, à mon cœur sont adressées : le sang de mes colombelles a rougi mon tablier… » Ce sont des restes de chants populaires qui ont passé dans le drame, et dont un auteur espagnol n’aurait osé se priver. […] Mais quel sera le tenant de Chimène, le téméraire qui osera s’attaquer à cet invincible et à ce glorieux ? […] Les écuyers et un berger qui accompagnent Rodrigue n’osent approcher de ce malheureux : Rodrigue seul va droit à l’affligé, le retire, lui baise même la main avec charité, le couvre de son manteau, le fait manger au même plat que lui, le fait boire à son flacon, le fait dormir près de lui sous sa garde, et attire ainsi sur sa tête les bénédictions les plus tendres de ce malheureux qui le proclame le plus humain et le plus pieux des chevaliers, et le salue du nom de bon Rodrigue, un nom qui vaut bien celui de Cid ou Seigneur que lui ont donné les Maures soumis.

33. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

On n’ose pas la discuter philosophiquement, et l’on fait bien. […] En ce qui touche au reste de l’Europe, on n’en parle pas, parce qu’il faut s’en faire, parce que, partout ailleurs qu’en Allemagne, ces prétentions rencontreraient un démenti trop cruellement éclatant pour qu’on osât seulement les y exposer. […] Malgré tout ce que dit l’auteur allemand de la fermeté d’Innocent (et bien contrairement aux idées répandues par des écrivains passionnés dans le sens opposé à Hurter), nous pensons, nous, que le Pape n’osa pas toujours se servir de l’omnipotence d’opinion dont il était nanti par le fait de l’éducation et des développements de l’humanité au xiiie  siècle. […] En effet, si une tache sanglante reste sur son nom, c’est que sa modération, pour le coup criminelle, n’a pas osé l’effacer. […] Il ne sut pas prévoir ; il n’osa pas punir.

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