Puis nous sommes partis en traînant nos fusils sur le parquet… C’est comme une image d’Épinal, un de ces moments de poésie et de légende qu’on croirait n’exister que dans les livres… Avant qu’il s’éloigne de chez nous et de cette Lorraine dont il disait « Lorraine si verte avec ses coteaux, ses rivières, ses pâturages et ses forêts, nous y reviendrons en pèlerinage après la guerre », avant qu’il meure, prenons de ce jeune Provençal une dernière image dans la campagne de Bar-le-Duc : Nous étions dans un verger, couchés, attendant des ordres. […] Bien des réalités de l’ordre spirituel, qui n’étaient que des fantômes, sont devenues chair et vie, par une expérience à chaque instant renouvelée. […] Je copie de telles pages, je m’attache à la respiration de ces jeunes héros, je ne mets pas d’autre ordre dans leurs pensées que la ligne d’ascension de mon admiration.
Et, dans un autre ordre de pensées tout contemplatif, tout spirituel, est-ce Bossuet, est-ce Pindare qui a dit : « Êtres éphémères, qui existe ? […] Mais l’image entière, le tableau appartient à l’ordre de leur génie ; et c’est leur voix qu’on entend dans ces paroles de Bossuet. […] Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?