Sans doute le biographe tire un peu à lui et pousse le plus haut qu’il peut dans l’ordre des poètes son cher Pontus ; mais il n’y a pas à cela grand mal ; si le goût d’abord s’étonne et souffre d’un peu d’excès dans la louange, les choses ensuite se rétablissent aisément, et l’on y a gagné, au total, de mieux connaître son vieil auteur. — L’étude de M. […] En attendant, et jusqu’à nouvel ordre, l’honneur tout entier de cet ingénieux écrit lui demeure. […] Incontinent qu’ils sont entrés, barrent leur porte, serrent les fenêtres, mangent salement sans compagnie, la maison mal en ordre ; se couchent en chapon, le morceau au bec.
La création de l’Institut qui assemblait dans un même lien toutes les branches de l’esprit humain, tous les ordres de savoir et de talents, consacra le fait en principe ; mais qu’il restait encore à faire en pratique et dans la réalité ! […] Ni la politique, — orateurs et avocats politiques, — ni la chicane et la basoche, à côté de Daumier ; ni le militaire et le troupier après Horace Vernet et Charlet, et à côté de Raffet ; mais à Gavarni l’ordre civil et moral, régulier ou irrégulier dans tous les genres, la femme et tout ce qui s’ensuit, à tous les degrés et à tous les âges. — Il a repris le bourgeois après Henri Monnier, créateur du type ; mais au célèbre acteur-auteur il laisse presque exclusivement les abîmes et les bas-fonds d’où l’éloigne et le rejette toujours cette même naturelle et instinctive élégance. […] « Un soir que nous parlions à Gavarni de ses légendes, racontent MM. de Goncourt, et que nous lui demandions comment elles lui venaient : « Toutes seules, nous dit-il ; j’attaque ma pierre sans penser ‘a la légende, et ce sont mes personnages qui me la disent… Quelquefois ils me demandent du temps… En voilà qui ne m’ont pas encore parlé… » Et il nous montrait les retardataires, des pierres lithographiques adossées au mur, la tête en bas. » Ces mots décisifs, ces paroles stridentes qui ouvrent des jours soudains sur une action, sur un ordre habituel de sentiments, et qui sont comme des sillons de lumière à travers la nature humaine, font de Gavarni un littérateur, un observateur qui rentre, autrement encore que par le crayon, dans la famille des maîtres moralistes.