Quel roi byronien, dans le sens nerveux et blasé du mot, que ce Xerxès, qui fit fouetter l’Hellespont, coupable d’avoir dispersé ses navires, et qui, dans sa campagne en Grèce, devenu amoureux d’un platane à l’ombre duquel il avait dormi, suspendit à ses branches, comme aux bras d’une femme, des bracelets et des colliers d’or ! […] … Et maintenant, remplissez ma tasse ; il est temps de la vider d’un seul trait. » Aujourd’hui encore, des races entières sont élevées dans la foi que ce monde n’est qu’une immense et douloureuse illusion, une surface agitée par des ombres vaines, et que le souverain bien, pour tout être, est de s’enfoncer à jamais dans le vide sans fond qu’il recouvre. […] » C’est sur le fumier de Job, plutôt que dans le jardin de l’Anthologie, que semble avoir germé cette strophe désolée : — « Et si quelqu’un vient à goûter un peu de joie, il voit accourir la déesse des vicissitudes, Némésis. » Ménandre surtout, venu au crépuscule de la Grèce, reflète, dans ses vers, les ombres qui commençaient à s’allonger sur le monde.
Et l’attitude respectueuse de ces deux ombres qui suivent le Prince et la Princesse, en portant la queue de leurs tirades : le confident et la confidente, ces deux silhouettes qui se détournent pour pleurer et font une si régulière perspective d’attendrissement ! […] Ce sont les aperçus religieux de Swedenborg, mais ça n’a pas de base… Malaise des esprits, trouble des âmes, religiosité remuant dans l’ombre, agitations sourdes de la veillée d’armes d’une suprême bataille livrée par le catholicisme, toute une mine de mysticisme couvant sous le scepticisme du xixe siècle, il y a de cela dans les paroles de mon dentiste, sous le coup de la question italienne, des lettres pastorales des évêques, de la levée de boucliers de l’Église en faveur du pouvoir temporel ; et il y a dans ces paroles comme l’annonce d’une sorte de fièvre et de délire des consciences ; et j’y vois, germant déjà dans le petit bourgeois éclairé, l’anarchie des croyances et le gâchis social que cela prépare dans un avenir très prochain. […] Dans la loge d’avant-scène du rez-de-chaussée, trône, dans le demi-jour, Jeanne de Tourbet, admirable dans sa pose de royale nonchalance, et tout entourée d’une cour de cravates blanches, qu’on perçoit dans l’ombre.