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669. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

On peut souffrir toute une vie sans avoir — fût-ce une minute — fait œuvre d’artiste. […] Elle a présidé, de l’aveu formel des de Goncourt, à la genèse douloureuse de leur œuvre totale ; et c’est peut-être son originalité, écrivait Edmond à Zola, au lendemain de la mort de son frère, « que ces peintures de la maladie, nous les avons tirées de nous-mêmes, et qu’à force de nous détailler, de nous étudier, de nous disséquer, nous sommes arrivés à une sensibilité supra-aiguë que blessaient les infiniment petits de la vie. […] Dieu merci, tout à fait aussi horrible. » 48 Ce n’était d’ailleurs pas une œuvre stricte d’auto-réminiscence. […] « Comme pour achever l’œuvre des âges, les des Esseintes marièrent pendant deux siècles leurs enfants entre eux, usant leur reste de vigueur dans les unions consanguines. » Père mort, il y a treize ans — des Esseintes atteignait alors sa dix-septième année — « d’une maladie vague ». […] État actuel. — Habitus extérieur : « Grêle jeune homme de 30 ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d’un bleu froid d’acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes. » Signes généraux : Il entreprend assez facilement une œuvre, mais la fatigue vient vite avec des étourdissements, un besoin de s’appuyer ou de s’asseoir s’il est debout.

670. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Enfin il a la prétention d’être chaste ; il raye courageusement d’un de ses romans un « détail libertin de trois lignes », s’imaginant sans doute qu’il n’y en a point d’autres dans toute son œuvre. […] L’œuvre que se propose le dandysme est très paradoxale et très difficile. […] Il faut qu’il ait conscience de la profonde ironie et du paradoxe effrayant de son œuvre. […] Il a beau avoir de terribles trompettes dans la voix et faire des gestes tout à fait sublimes, je suis effrayé de voir à combien peu se réduit le noyau substantiel de ces œuvres redondantes. […] Toute cette œuvre où s’épand une imagination si riche, où roule une si vertigineuse rhétorique, je me dis que, si elle est retentissante, c’est peut-être à la façon d’une armure vide, et que si elle est empanachée, c’est peut-être comme un catafalque qui recouvre le néant.

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