S’occupant d’une époque très-vaste et très-éloignée, il pouvait ne choisir que de loin en loin les plus grands faits et ne dire, à propos de ces faits, que des choses très-générales : s’il avait dû se renfermer dans un espace de dix ans, et chercher son chemin à travers une multitude de faits détaillés et précis, la difficulté de l’œuvre eût été beaucoup plus grande assurément. […] Le tome VIII des Œuvres, qui contient des fragments historiques, des notes de voyages, des extraits de conversations, des impressions de lectures, est très-agréable à parcourir. […] Le 24 novembre 4 865, M. de Beaumont m’écrivait : « Vous vous rappelez peut-être qu’il y a cinq ans environ il a paru deux volumes de Tocqueville, intitulés : Correspondance et Oeuvres diverses inédites. […] Et d’abord ces articles en eux-mêmes et comme œuvre littéraire sont, etc., etc. […] Ne dois-je pas admirer qu’étant, en somme, peu sympathique à l’homme, vous ayez su être si équitable envers ses œuvres ?
Tout l’esprit du protestantisme avait été dans son premier acte : la guerre contre les œuvres. […] On opposait aux œuvres une sorte de christianisme intérieur qui s’entretenait et se renouvelait par la déclaration souvent répétée, et du plus profond de l’âme : La foi justifie saris les œuvres. Toutefois Luther, quoique placé le plus près des abus de la doctrine des bonnes œuvres, ne leur avait pas ôté toute part dans la justification. […] Volontairement ou à son insu, Luther transigeait ; et, quelque effort qu’il fît pour s’arracher à la doctrine des œuvres et remplacer dans l’homme la vertu par la grâce, il n’osa pas pousser sa logique jusqu’à l’excès, laissant à de plus hardis à en tirer la conséquence extrême, c’est-à-dire l’abolition des oeuvres. […] Les bonnes œuvres n’étaient que des témoignages que Dieu habitait et régnait en nous ; les mauvaises, qu’il nous avait repoussés.