Le peuple allemand est rêveur et mystique comme l’enfant dépaysé du Gange ; il s’enivre de sa propre imagination, il aime le surnaturel, il se délecte dans les traditions populaires, il ressasse éternellement les vieilles légendes, il a la pensée pleine de héros qui n’ont jamais existé ; le monde visible occupe moins de place pour lui que le monde invisible ; il converse la moitié de sa vie avec des fantômes : l’Allemagne est la terre des hallucinations. […] On ne savait lequel des trois occupait la meilleure place dans l’affection innocente et confiante des deux autres. […] Notre ménage est petit, encore faut-il s’en occuper ; il faut faire le feu, préparer les aliments, balayer, tricoter et coudre, et courir ici et le soir et le matin.
Je vous écris maintenant d’une petite chambre d’auberge, seul et occupé de vous. […] On verrait un pauvre songe-creux qui ne pense d’abord qu’à vous, qui n’a ensuite dans la tête que de se retirer dans quelque trou pour finir ses jours, et qui s’occupe si peu de politique qu’il pleure Moïse qu’on ne jouera pas. […] « Je n’ai rencontré personne sur les chemins, hormis quelques cantonniers solitaires, occupés à effacer sur les ornières les traces des roues des voitures ; ils me suivaient comme le Temps, qui marche derrière nous en effaçant nos traces.