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1253. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Leur affection mutuelle et celle de leurs mères occupaient toute l’activité de leurs âmes. […] Ils aperçurent là une maison bien bâtie, des plantations considérables, et un grand nombre d’esclaves occupés à toutes sortes de travaux. […] Pendant qu’elles s’occupaient de ce triste office, nous montâmes, en tremblant, à l’habitation. […] Elle ne reprit ses sens que pour s’occuper de son amie, qui tombait de temps en temps dans de longs évanouissements. […] Cet artiste célèbre montait souvent dans le petit donjon que M. de Saint-Pierre occupait alors, rue Saint-Étienne-du-Mont.

1254. (1904) Zangwill pp. 7-90

Les humanités déistes et particulièrement chrétiennes, ces singulières humanités, qui ne nous paraissent ordinaires et communes que parce que nous y sommes habitués, ces singulières humanités, où l’homme occupe envers Dieu une si singulière situation de grandeur et de misère, si audacieuse au fond, et si surhumaine, — l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, — et Dieu fait homme, — avaient séparément le sens du parfait et de l’imparfait, du fini et de l’infini, du relatif et de l’absolu ; elles connaissaient donc les limitations de l’humanité ; ajouterai-je que généralement ces humanités étaient à la fois intelligentes et profondes, et que la constatation même des contrariétés intérieures, de la grandeur et de la misère, faisait peut-être le principal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. […] Cette affirmation que je fais emplira de stupeur, sincère, un assez grand nombre de braves gens qui modestement ; du matin au soir, jouent avec l’absolu, et qui ne s’en doutent jamais ; comment, diront-ils en toute sincérité, comment peut-on nous supposer de telles intentions ; nous sommes des petits professeurs ; nous sommes de modestes et d’honnêtes universitaires ; nous n’occupons aucune situation dans l’État ; nous sommes assez maltraités par nos supérieurs ; nous n’avons aucun pouvoir dans l’État ; nous ne déterminons aucuns événements ; nous sommes les plus mal rétribués des fonctionnaires ; nul ne nous entend ; nous poursuivons modestement notre enquête sur les hommes et sur les événements passés ; par situation, par métier, par méthode, nous n’avons ni vanité ni orgueil, ni présomption, ni cupidité de la domination ; l’invention des méthodes historiques modernes a été proprement l’introduction de la modestie dans le domaine historique. […] Les prêtres aussi étaient de petits abbés et de petits curés ; de modestes et d’honnêtes ecclésiastiques ; ils n’occupaient aucune situation dans l’État, car les petits curés de campagne n’étaient pas plus que ne sont aujourd’hui nos instituteurs, et nos grands prélats de l’enseignement, démagogues, députés, ministres, sénateurs, ne sont pas moins que n’étaient les grands évêques et les grands cardinaux ; pas plus tard qu’avant-hier, dans son numéro daté du samedi 15 octobre 1904, la Petite République, ayant à interroger M.  […] Les prêtres aussi, les petits prêtres, en ce sens, n’occupaient aucune situation dans l’État, n’avaient aucun pouvoir dans l’État ; les prêtres aussi étaient assez maltraités par leurs supérieurs et ne déterminaient aucuns événements ; les prêtres aussi étaient les plus mal rétribués des fonctionnaires, et nul ne les entendait ; et quand ils ne seront plus des fonctionnaires mal rétribués d’État, ils seront des fonctionnaires mal rétribués d’Église ; et nul ne les entendra ; ils poursuivent modestement leur prédication de la vie future ; par situation, par métier, par humilité chrétienne ils n’ont ni vanité ni orgueil, ni présomption ni cupidité de la domination ; un curé de campagne est un petit seigneur ; l’exercice du ministère ecclésiastique est essentiellement un exercice d’humilité chrétienne. […] « Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait.

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