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370. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Cette vie de marche, jour et nuit, par monts et par vaux, à travers les ronces et les épines, l’atteint aux entrailles, lui donne la fièvre et l’abat : « Si l’on se battait, si l’on se tirait des coups de fusil, passe au moins, cela reposerait. […] Tandis que de près, ici, on était ébloui par des déploiements d’éloquence souvent contradictoires et stériles en résultats, de loin ils n’étaient sensibles qu’au peu de fruit qu’ils en retiraient, eux et la colonie pour laquelle ils guerroyaient nuit et jour, et dont l’avenir était sans cesse remis en question par des discussions décourageantes. […] … Je pioche jour et nuit, je sonde par la pensée la Crimée, Anapa, Tiflis et Odessa. […] Il en avait médité jour et nuit les cartes et plans. […] [NdA] C’est le même sentiment qu’exprime héroïquement Hector (au commencement de la tragédie de Rhésus d’Euripide), lorsqu’on vient l’éveiller de nuit pour lui annoncer que le camp des Grecs s’illumine de tous côtés de feux, ce qui est probablement le signal du départ : « Ô mauvais génie, s’écrie-t-il, qui m’arrache mon festin de lion au plus beau moment, avant que j’aie pu exterminer, balayer l’armée des Grecs tout entière avec cette lance que voilà ! 

371. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Rien n’est plus rare, mais rien n’est plus enchanteur qu’une belle nuit d’été à Saint-Pétersbourg, soit que la longueur de l’hiver et la rareté de ces nuits leur donnent, en les rendant plus désirables, un charme particulier, soit que réellement, comme je le crois, elles soient plus douces et plus calmes que dans les plus beaux climats. […] Les rameurs chantaient un air national, tandis que leurs maîtres jouissaient de la beauté du spectacle et du calme de la nuit. […] « Si le Ciel, dans sa bonté, me réservait un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu ; si une femme, des enfants, des frères séparés de moi depuis longtemps, et sans espoir de réunion, devaient tout à coup tomber dans mes bras, je voudrais, oui, je voudrais que ce fût dans une de ces belles nuits, sur les rives de la Néva, en présence de ces Russes hospitaliers. […] — Je lui demanderais, reprit le chevalier, si cette nuit lui paraît aussi belle qu’à nous.” […] « Mon cher chevalier, les cœurs pervers n’ont jamais de belles nuits ni de beaux jours.

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