/ 1823
315. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Il doit donc éviter les jardins publics, le fracas, le grand jour ; le plus souvent même il ne sortira que la nuit. […] Cependant la nuit approche. […] Les flots calmés, mollement enchaînés l’un à l’autre, expiraient tour à tour à mes pieds sur la rive, et les premiers silences de la nuit et les derniers murmures du jour luttaient sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les bois et dans les vallées. […] La nuit, quand les fenêtres de notre salon champêtre étaient ouvertes, madame de Beaumont remarquait diverses constellations, en me disant que je me rappellerais un jour qu’elle m’avait appris à les connaître : depuis que je l’ai perdue, non loin de son tombeau, à Rome, j’ai plusieurs fois, du milieu de la campagne, cherché au firmament les étoiles qu’elle m’avait nommées ; je les ai aperçues brillant au-dessus des montagnes de la Sabine ; le rayon prolongé de ces astres venait frapper la surface du Tibre.

316. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Ensuite, elle est transparente, elle ressemble au firmament ou à l’éther qui répercutent la lumière de l’astre du jour ou des étoiles de la nuit, elle se transfigure sans fin comme le caméléon par ses couleurs changeantes, roulant tantôt la lumière, tantôt la nuit dans ses vagues. — Émotion ! […] Mais si, après les sueurs, les labours, les agitations et les lassitudes de la journée humaine, la volonté de Dieu me destinait un long soir d’inaction, de repos, de sérénité avant la nuit, je sens que je redeviendrais volontiers à la fin de mes jours ce que je fus au commencement : un poëte, un adorateur, un chantre de la création. […] Je vois déjà le schisme qui tombe, l’Orient et l’Occident qui se réunissent, et l’Asie qui voit renaître le jour, après une si longue nuit ! 

/ 1823