Un air nouveau moins froid vous souffle aux joues ; le ciel change et le sol aussi. […] Telle est bien l’ambition inouïe du monde moderne ; ambition non encore éprouvée ; le savant chassant Dieu de partout, inconsidérément, aveuglément, ensemble de la science, où en effet peut-être il n’a que faire, et de la métaphysique, où peut-être on lui pourrait trouver quelque occupation ; Dieu chassé de l’histoire ; et par une singulière ironie, par un nouveau retour, Dieu se retrouvant dans le savant historien, Dieu non chassé du savant historien, c’est-à-dire, littéralement, l’historien ayant conçu sa science selon une méthode qui requiert de lui exactement les qualités d’un Dieu. […] Incroyable naïveté savante, orgueil enfantin des doctes et des avertis ; l’humanité a presque toujours cru qu’elle venait justement de dire son dernier mot ; l’humanité a toujours pensé qu’elle était la dernière et la meilleure humanité, qu’elle avait atteint sa forme, qu’il allait falloir fermer, et songer au repos de béatitude ; ce qui est intéressant, ce qui est nouveau, ce n’est point qu’une humanité après tant d’autres, ce n’est point que l’humanité moderne ait cru, à son tour, qu’elle était la meilleure et la dernière humanité ; ce qui est intéressant, ce qui est nouveau, c’est que l’humanité moderne se croyait bien gardée contre de telles faiblesses par sa science, par l’immense amassement de ses connaissances, par la sûreté de ses méthodes ; jamais on ne vit aussi bien que la science ne fait pas la philosophie, et la vie, et la conscience ; tout armé, averti, gardé que fût le monde moderne, c’est justement dans la plus vieille erreur humaine qu’il est tombé, comme par hasard, et dans la plus commune ; les propositions les plus savamment formulées reviennent au même que les anciens premiers balbutiements ; et de même que les plus grands savants du monde, s’ils ne sont pas des cabotins, devant l’amour et devant la mort demeurent stupides et désarmés comme les derniers des misérables, ainsi la mère humanité, devenue la plus savante du monde, s’est retrouvée stupide et désarmée devant la plus vieille erreur du monde ; comme au temps des plus anciens dieux elle a mesuré les formes de civilisation atteintes, et elle a estimé que ça n’allait pas trop mal, qu’elle était, qu’elle serait la dernière et la meilleure humanité, que tout allait se figer dans la béatitude éternelle d’une humanité Dieu. […] La possibilité de faire exister de nouveau ce qui a déjà existé, de reproduire tout ce qui a eu de la réalité ne saurait être niée. […] La science se réfugiera de nouveau dans les cachettes.
Mais dans ces voies nouvelles qu’a-t-il fait ? […] Il a prouvé qu’il comprenait sévèrement ses nouveaux devoirs. […] La vie, incomplète jusque-là, prend un aspect nouveau, et s’enrichit de perspectives inattendues. […] Tout ce qui se passe autour de nous avait pris un aspect nouveau, un sens imprévu. […] Mais, à chaque nouvelle défaite, son courage grandissait pour tenter un nouveau pèlerinage, et marcher à de nouvelles découvertes.