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420. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

L’époque qu’il avait choisie était la moins propice aux grandes phrases et à ce qu’on nomme éloquence. […] Bazin le plus grand cas, et qu’il me prend envie ici, tout en le citant, de ne pas nommer, à son exemple. […] Bazin, il a pensé que je n’avais pas indiqué suffisamment pour ceux qui l’ont connu de près, ce qui en rachetait et en excusait les saillies quelquefois désobligeantes : Sous cette enveloppe dure et parfois hérissée, m’écrit l’homme d’esprit que je ne me crois pas autorisé à nommer, il y avait un cœur honteux de lui-même, se masquant de son mieux, mais qui se laissait par moments deviner.

421. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il y a le Fontenelle bel esprit, coquet, pincé, damoiseau, fade auteur d’églogues et d’opéras, rédacteur du Mercure galant, en guerre ou en chicane avec les Racine, les Despréaux, les La Fontaine ; le Fontenelle loué par de Visé et flagellé par La Bruyère ; et à travers ce Fontenelle primitif, à l’esprit mince, au goût détestable, il y en a un autre qui s’annonce de bonne heure et se dégage lentement, patiemment, mais avec suite, fermeté et certitude ; le Fontenelle disciple de Descartes en liberté d’esprit et en étendue d’horizon, l’homme le plus dénué de toute idée préconçue, de toute prévention dans l’ordre de la pensée et dans les matières de l’entendement ; comprenant le monde moderne et l’instrument, en partie nouveau, de raisonnement exact et perfectionné qu’on y exige, s’en servant avec finesse, avec justesse et précision, y insinuant l’agrément qui fait pardonner la rigueur, et qui y réconcilie les moins sévères ; en un mot, il y a le Fontenelle, non plus des ruelles ni de l’Opéra, mais de l’Académie des sciences, le premier et le plus digne organe, de ces corps savants que lui-même a conçus dans toute leur grandeur et leur universalité quand il les a nommés les états généraux de la littérature et de l’intelligence. […] » Fontenelle avait quarante ans quand il fut nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences (1697) ; il avait publié tous les ouvrages qui le distinguent sous sa première forme littéraire, et il va durer soixante années encore sous sa forme plus épurée, plus contenue, plus sérieuse : le grand esprit va désormais prendre le pas sur le bel esprit, ou du moins ne plus permettre qu’on l’en sépare. […] Fontenelle, avec La Motte, était sur le point de prendre le sceptre sous la Régence, et de donner le ton à la littérature, quand Voltaire parut à point nommé pour neutraliser dans le public l’effet de cette influence au moins équivoque, et, tout jeune qu’il était, il avertit insensiblement par son exemple l’académicien raffiné et réfléchi, que le moment était venu d’être plus simple.

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