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319. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Le propre de l’homme de lettres, il n’y a pas longtemps encore, était d’être empêché dès qu’on le tirait de ses livres, et de ne pas savoir comment se nomment les choses. […] Nous allions passer le Puerto de los perros (passage des chiens, ainsi nommé parce que c’est par là que les Maures vaincus sortirent de l’Andalousie) ; c’est une gorge étroite, une brèche faite dans le mur de la montagne par un torrent qui laisse tout juste la place de la route qui le côtoie. […] Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J’aime, et parfois un ange avec un corps de femme, Le soir, descend du ciel pour dormir sur mon cœur.

320. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il avait à peine dix-huit ans, et il courait risque, ainsi livré à lui-même dans les hasards de Paris, de se dissiper et de tourner aux habitudes légères, si son oncle l’oratorien, qui ne le perdait pas de vue, n’avait trouvé le moyen de le dépayser brusquement en le faisant attacher au comte de Merle, nommé depuis quelques années ambassadeur en Portugal et qui partait seulement alors (janvier 1759) pour sa destination. […] Nommé commissaire général de la marine et membre du Comité de législation pour les colonies, son avis était fort demandé sur toutes les questions de sa compétence ; et quand un homme à projets, un aventurier utopiste, le baron de Bessner (un digne contemporain de Mesmer), proposa un établissement chimérique à la Guyane et en présenta à l’avance les plans réalisés et dessinés aux yeux sur le papier, on voulut bien consulter tout particulièrement Malouet ; on se décida même à l’envoyer sur les lieux, sauf ensuite à faire tout le contraire de ce qu’il aurait dit et observé. […] Après une mission à Marseille pour la vente de l’arsenal, Malouet fut nommé intendant à Toulon et y passa les huit années qui précédèrent la Révolution (1781-1789), et qui furent, dit-il, les plus heureuses de sa vie.

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