Il trouve le loisir de lancer en passant des traits contre les nobles « mangeurs de gens », contre les « volereaux » qui font les voleurs, contre les seigneurs « qui ont belle tête, mais point de cervelle », ou « qui n’ont que l’habit pour tout talent. » S’il porte quelquefois l’habit d’un valet, il n’en a point l’âme ; cette livrée n’a revêtu en lui que l’homme extérieur, le maladroit que ses amis prêchaient et menaient, le sujet fidèle, l’humble bourgeois qu’assujettissaient les convenances. […] Peu importe leur source : une grande conception, une noble action peut les soulever aussi bien qu’un élan d’amour ; mais celui-ci n’a pas vécu qui ne les a pas eues. […] Il s’est promené à travers tous les sentiments humains, quelquefois parmi les plus nobles, d’ordinaire parmi les plus doux.
« Les alexandrins tiennent la place en notre langue, telle que les vers héroïques entre les Grecs et les Latins. » Voilà la vraie trouvaille de Ronsard en fait de rythme, et le grand service rendu par la Pléiade à la poésie : sous l’influence de l’hexamètre latin, l’alexandrin, création du moyen âge, et dont Rutebeuf avait montré la force et la souplesse, l’alexandrin, délaissé au xive et au xve siècle, ignoré ou à peu près de Marot, est retrouvé, relevé, remis à sa vraie place, qui est la première : ce n’est pas tant le vers noble de notre poésie, que le vers ample ; et c’est par là qu’il vaut. […] L’erreur de la Pléiade Son but, c’est par les rythmes, par le choix et l’ordre des mots, de créer une forme belle. « Tu te dois travailler, dit-il, d’être copieux en vocables, et tirer les plus nobles et signifiants pour servir de nerfs et de force à tes carmes, qui reluiront d’autant plus que les mots seront significatifs, propres et choisis. » Voilà qui est excellent. […] Entraîné par son préjugé aristocratique, ce gentilhomme poète trouve plus de beauté, de grandeur dans les termes de guerre, et dans tous ceux qui désignent les occupations de la vie noble.