Quand on remercie, il faut louer ; et quand on loue, on veut plaire : rien de plus naturel ; et ce qui ne l’est pas moins, c’est de vouloir ajouter chaque année à ce qui a été dit l’année précédente ; ce qui n’était donc qu’un remerciement devint peu à peu un discours, et le discours devint un panégyrique, et le panégyrique fut ce qu’il devait être, c’est-à-dire, qu’on y louait toujours un peu plus les mauvais princes que les bons. […] Il faut avouer que cette espèce de maladie épidémique est bien honteuse pour l’esprit humain ; on serait tenté d’en rire, s’il n’était plus naturel encore de s’en indigner.
De ce vice naturel de compréhensivité découle l’horreur instinctive qu’elle éprouve pour l’Art. […] Rien de plus naturel et de plus inévitable. […] Le prince des lyriques contemporains n’a-t-il pas pour fonction supérieure de sonner victorieusement, dans son clairon d’or, les fanfares éclatantes de l’âme humaine en face de la beauté et de la force naturelles ? […] Point de système, point de métier, une pure éloquence naturelle ; des rimes imparfaites, des négligences, des incorrections, rien du versificateur. […] Cependant, messieurs, l’impression produite sur l’imagination vierge d’un jeune sauvage vivant au milieu des splendeurs de la poésie naturelle ne pouvait être unanimement ressentie à une époque et dans un pays où les vieilles traditions d’une rhétorique épuisée dominaient encore.