Par exemple, l’étenduë du commerce donne aujourd’hui aux nations hyperborées le moïen qu’elles n’avoient point autrefois de faire une partie de leur nourriture ordinaire, des vins comme des autres alimens qui croissent dans les païs chauds. […] Les sels et les sucs spiritueux de ces denrées jettent dans le sang des nations septentrionales une ame, ou, pour parler avec les physiciens une huile étherée, laquelle ne se trouve point dans les alimens de leur patrie.
Tant qu’une nation, tiraillée en tout sens, par des partis vigoureux, cherche en vain un équilibre durable, la littérature, loin de pouvoir accaparer l’attention et la faveur publiques, subit l’action de sa remuante et brutale voisine. […] La France actuelle n’est en réalité qu’une nation semi-démocratique, moins avancée en ce sens que les États-Unis ou la Suisse, et par conséquent ce qu’elle peut nous montrer, c’est tout au plus un commencement d’évolution littéraire correspondant à un commencement d’évolution sociale. […] Démocratisée, elle s’efforce de suivre l’obscure ascension des masses anonymes vers le mieux être, le lent et pénible dégrossissement des nations et de l’humanité entière. […] C’est un fait propre à la France moderne que cet effacement presque complet des provinces, que cette concentration des forces vives de la nation dans une seule ville. […] Mais terminons là cette revue à vol d’oiseau des principales relations qui existent entre la vie politique et la vie littéraire d’une nation.