Il n’est pas seul sur la tige : au-dessous de lui, autour de lui, presque à son niveau, sont d’autres bourgeons nés de la même sève ; qu’il n’oublie jamais, s’il veut comprendre son être, de considérer, en même temps que lui-même, les autres vivants ses voisins, échelonnés jusqu’à lui et issus du même tronc. […] De cette maxime naît l’exégèse biblique, non seulement celle que fait Voltaire, mais encore celle qu’on fera plus tard. […] L’homme primitif ne fut point un être supérieur, éclairé d’en haut, mais un sauvage grossier, nu, misérable, lent dans sa croissance, tardif dans son progrès, le plus dépourvu et le plus nécessiteux de tous les animaux, à cause de cela sociable, né comme l’abeille et le castor avec l’instinct de vivre en troupe, outre cela imitateur comme le singe, mais plus intelligent, capable de passer par degrés du langage des gestes au langage articulé, ayant commencé par un idiome de monosyllabes, qui peu à peu s’est enrichi, précisé et nuancé340. […] Poussez plus loin cette idée avec Turgot et Condorcet344, et, à travers des exagérations, vous verrez naître, avant la fin du siècle, notre théorie moderne du progrès, celle qui fonde toutes nos espérances sur l’avancement indéfini des sciences, sur l’accroissement du bien-être que leurs découvertes appliquées apportent incessamment dans la condition humaine, et, sur l’accroissement du bon sens que leurs découvertes vulgarisées déposent lentement dans l’esprit humain.
En somme, les deux livres expriment l’idéal d’un homme né dans le peuple, échappé du cloître, enivré de liberté et de science. […] Car la nature est bonne, et veut ce qu’il faut, quand elle n’est ni déviée ni comprimée : « parce que gens libères, bien nés, bien instruits, conversans en compagnies honnêtes, ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux, et retire de vice ; lequel ils nommaient honneur ». […] Biographie : François Rabelais, né à Chinon à la fin du xve siècle, des cordeliers de Fontenay-le-Comte passe aux bénédictins de Maillezais : il étudie la médecine à Montpellier, est attaché en 1532 à l’Hôtel-Dieu de Lyon, fait imprimer divers ouvrages d’érudition et de médecine, des almanachs, et enfin Pantagruel et Gargantua. […] Biographie : Né vers 1498 (Chenevière dit 1510) à Arnay-le-Duc, B.