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1368. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

vains mots dont on nous abuse ! […] Ici, Louis, le modèle des rois, vivait (c’est le mot à la Cour) avec la femme Montespan, avec la fille La Vallière, avec toutes les femmes et les filles que son bon plaisir fut d’ôter à leurs maris, à leurs parents. […] Pour traduire Hérodote, il faut unir certaines qualités de science et de simplicité : Un homme séparé des hautes classes, dit-il, un homme du peuple, un paysan sachant le grec et le français, y pourra réussir si la chose est faisable ; c’est ce qui m’a décidé à entreprendre ceci où j’emploie, comme on va voir, non la langue courtisanesque, pour user de ce mot italien, mais celle des gens avec qui je travaille à mes champs, laquelle se trouve quasi toute dans La Fontaine. […] Courier. » Ce premier mot échappé sans dessein en amena d’autres, et la justice obtint de cette fille une révélation entière. […] Et si quelqu’un s’avisait que je n’ai pas donné à Courier assez d’éloges, je m’autoriserais de ce que lui-même, parlant de Béranger, n’a trouvé à dire que ceci : « J’ai encore dîné hier avec le chansonnier, écrivait-il de Sainte-Pélagie (octobre 1821) : il imprime le Recueil de ses chansons qui paraît aujourd’hui… Il y a de ces chansons qui sont vraiment bien faites : il me les donne. » C’est ainsi, j’imagine, qu’en Grèce, avant l’âge des éloges et des panégyriques, et quand on était de l’école de Xénophon, on louait ses amis par un mot juste et léger, dit en passant.

1369. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Le mot œuvres sous-entend l’idée de combinaison, d’effort, de patience, de durée dans le travail, et Rivarol, c’est tout le contraire. […] Il n’était pas, comme eux, un calculateur d’effets et de mots préparés comme des coups de théâtre. […] Il était beau, et ce n’est pas pour lui que Jean-Paul eût fait son mot célèbre : « On ne s’aperçoit pas plus de la laideur d’un homme éloquent, qu’on ne voit la corde de la harpe quand elle commence à résonner. » III Tel fut Rivarol. […] … Que lui, l’étincelant Rivarol, ce bel esprit dans toute la splendeur du mot, cette mitrailleuse d’épigrammes qui en faisait un feu roulant à propos de tout et partout, soit devenu journaliste à une époque où toute la France se ruait aux journaux et que les lettres françaises s’enfonçaient dans la fondrière de la politique, qui les souille toujours et qui les étouffe, c’était là un malheur, sans doute, mais ce n’est pas ce qui peut surprendre. […] Chateaubriand, le rêveur ennuyé qui dans le monde ne disait mot, le rencontra et put juger, un jour, des derniers et magnifiques rayons de l’astre de conversation qu’était Rivarol, et il en a parlé dans ses Mémoires d’outre-tombe, mais avec la sécheresse d’un esprit jaloux· Ce n’était pas Chateaubriand, ce muet de génie, qui était fait pour jouir de l’esprit solaire de Rivarol et pour en être le Memnon !

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