En en lisant le narré exact, on se demande où et comment était née cette longue et assommante torture morale et physique, à quelle époque elle s’était ainsi régularisée, réglementée avec un faste pédantesque, composée qu’elle était en partie d’anciens us et coutumes féodales et, en dernier lieu, d’idolâtrie asiatique, singulier mélange de magnificence, de luxe, de grossièreté et, pour tout dire, de barbarie. […] Ce qui semble d’ailleurs au-dessous de l’histoire revient comme de droit à l’étude morale de l’homme. […] que c’eût bien été le cas pour lui de se réciter les jolis vers qui couraient alors le monde, et où il était dit, entre autres vérités de morale indulgente : Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon ! […] Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon… Et quant à ces grands mots de « la dignité de son art » et de « l’honneur de son nom », appliqués à une agréable actrice (car j’ai décidément sur le cœur toute cette morale à côté dont on nous inonde), j’ajouterai encore qu’il suffît de lire le Manuscrit trouvé à la Bastille, et dans ce Manuscrit certaine page 28, en ayant soin d’y rectifier une coquille typographique, pour s’assurer que les relations entre le maréchal et l’aimable Chantilly n’étaient pas guindées, il s’en faut de beaucoup, sur un si haut ton.
A cette quantité d’autres écrits de circonstance et de combat, une idée morale, une apparence de patriotisme, un drapeau donnait une sorte de noblesse et recouvrait aux yeux du public, aux yeux des auteurs et compilateurs eux-mêmes, le mobile plus secret. […] De là, une littérature à physionomie jusqu’à présent inouïe dans son ensemble, active, effervescente, ambitieuse, osant tout, menant les passions les plus raffinées de la civilisation avec le sans-façon effréné de l’état de nature ; perdant un premier enjeu de générosité et de talent dans des gouffres d’égoïsme et de cupidité qui s’élargissent en s’enorgueillissant ; et, au milieu de ses prétentions, de ses animosités intestines, n’ayant pu trouver jusqu’ici d’apparence d’unité que dans des ligues momentanées d’intérêts et d’amours-propres, dans de pures coalitions qui violent le premier mot de toute harmonie morale. […] Aucune idée morale n’étant en balance, il est arrivé qu’une suite de circonstances matérielles a graduellement altéré la pensée et en a dénaturé l’expression. […] Cette littérature en un mot, qu’on est fâché d’avoir tant de fois à nommer industrielle quand on sait quels noms s’y trouvent mêlés, a eu le vouloir et les instruments d’innovation, les capitaux et les talents, elle a toujours tout gaspillé : l’idée morale était absente, même la moindre ; la cupidité égoïste d’un chacun portait bientôt ruine à l’ensemble.