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446. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

L’histoire de ce dernier tableau, avec toutes ses vicissitudes et ses bulletins successifs, serait celle des trois dernières années de Léopold Robert et de la maladie morale même à laquelle il a succombé. […] C’est cette solitude morale qui se refit bientôt en lui malgré la présence de son frère, et qu’il aurait fallu à tout prix éviter. Léopold Robert avait des besoins de cœur de plus en plus timides et de plus en plus profonds avec l’âge : « Je ne peux m’expliquer, pensait-il, comment on peut trouver dans ce monde des êtres qui paraissent n’éprouver aucun besoin de nourrir le cœur. » Il craignait avec les années le refroidissement graduel de ce qui fait la vie morale : « En vieillissant, on devient d’un froid de cœur ! […] Il rassemblait donc toutes les objections quand il répondait à son ami qui le sollicitait tendrement sur ce point sensible, et il se contentait de rendre hommage à une condition morale qu’il appréciait si bien, et dont les douceurs, s’il avait pu s’y engager, dont les chagrins même eussent sans doute contribué à le sauver : Combien je me rappelle, disait-il à M. 

447. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Il vient d’avoir sa chute morale ; c’est ce que je constate. […] N’exagérons rien ; mais sérieusement M. de Pontmartin aurait lieu de dire comme certain ministre après sa conduite dans la Coalition : « Ma situation est changée. » Et en effet, de quel droit viendra-t-il parler dorénavant religion, morale, famille, quand il a violé, de dessein prémédité, les plus simples bienséances et les lois du savoir-vivre ? […] Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité. […] J’ai peur que M. le soi-disant maire de Gigondas, malgré tout son esprit, n’ait suivi ce procédé d’une détestable hygiène morale.

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