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942. (1883) Le roman naturaliste

Nous demandons au romancier de trouver un certain accord du physique et du moral de ses personnages, et c’est même un peu parce que, dans la réalité quotidienne, autour de nous, nous ne rencontrons pas cet accord, que nous lisons des romans. […] Et en effet n’y a t-il pas comme un perpétuel échange d’impressions entre le monde extérieur qui agit, l’homme physique qui est agi, et l’homme moral qui réagit ? […] Zola de le supposer pour se faire la partie plus belle, que l’on exige du romancier « des apothéoses creuses, de grands sentiments faux, des formules toutes faites, et un étalage de dissertations morales ». […] Lui plaira-t-il de nous montrer quelque jour un étalage de dissertations morales dans Colomba ou dans Arsène Guillot ? […] Il n’y a presque rien de plus difficile, dans le roman et ailleurs, que de borner ainsi le vocabulaire des gens que l’on fait parler aux limites exactes de leur petit univers intellectuel et moral.

943. (1886) Le naturalisme

Considérez l’état moral de Balzac quand il écrivait, et comparez-le, par exemple, à celui de son successeur Flaubert. […] C’est maintenant une opinion aristocratique et élégante que d’admettre la suprématie du roman anglais sur le terrain moral et sur le terrain littéraire. […] On lisait passionnément les Contes moraux de Miss Edgeworth. […] Le roman est l’écho des aspirations du lecteur et joue son rôle religieux, politique et moral. […] Mon jugement est celui qu’émettent les critiques qui considèrent surtout le côté littéraire, et en second lieu, comme il est juste, le côté moral, et qui voient que la fabrication précipitée et la sujétion au goût du public font tort à la fraîcheur, à l’inspiration et à l’énergie de la pensée.

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