C’est à cette infirmité que sont dues les métaphysiques, les religions et les morales. […] Cela a l’air solide et sérieux ; c’est arbitraire puisque les jugements esthétiques ou moraux ne sont que des sensations généralisées. […] Aucun des livres de Flaubert ne pouvant servir de prétexte à un enseignement moral, Flaubert fut sage. […] Il s’agit d’accommoder sa nature aux conditions vitales du milieu et aux traditions morales. […] Sans un dieu moral, c’est-à-dire libre et conscient, il n’y a de morale humaine que celle de l’empirisme.
Dans l’homme, c’est l’être social qu’on s’accorde à trouver le plus intéressant, le plus digne d’être étudié et connu ; le point de vue sociologique est devenu dominant sur toute la ligne des sciences morales. […] Qu’il y ait dans cette indécision trop commode, qu’un Pascal aurait foudroyée comme équivoque et lâche, un manque de courage moral et intellectuel, hélas ! […] L’effet moral de la science doit donc être, le plus naturellement du monde et le plus logiquement, de nous rendre modestes ; il n’y a que les faux savants, doublés de très mauvais philosophes, qui puissent s’imaginer que leurs progrès dans l’exploration du monde physique et moral les rapprochent sensiblement d’un terme inaccessible. […] Le protestantisme n’a pas fourni seulement à l’Église des martyrs qui ont rallumé sa foi, puis des savants qui lui ont appris la critique ; il lui a fourni des saints, qui ont relevé son niveau moral. […] Notre petit apport dans l’héritage intellectuel et moral de l’humanité future, voilà notre seule immortalité ; tout le reste, toutes les espérances dont notre imagination se repaît, n’est que fantasmagorie et duperie.