La République, qui eut contre elle, pendant toute une génération, l’Église, fut comme obligée, par la lutte anticléricale, de se former une conception du monde moral, de fonder et d’enseigner un spirituel d’État, antitraditionaliste par position. […] L’affaire Dreyfus n’a pas diminué la situation littéraire de ses protagonistes de droite : Barres et Maurras, malgré leur désastre moral et politique, en sont sortis littérairement moins diminués que Zola et France, ces maréchaux de la victoire morale et politique. […] Nation, la France a, pour truchement et pour signe, des idées, tandis qu’avec le roi elle avait pour truchement et pour signe des personnes, personnes physiques et personnes morales. […] Mais il s’agit d’un conflit moral entre deux genres de vie plutôt que d’une lutte sociale entre deux classes ennemies : conflit moral du salarié gouverné par la loi du travail et du capitaliste gouverné par la loi du profit. […] Il ne semble pas crue la peur brute des catastrophes suffise à diminuer très sensiblement le potentiel moral de guerre.
Qu’eût-il dit s’il eût pu entendre, quatre-vingts ans après, les blasphèmes moraux et politiques dont retentissait cette même Académie, qui, du mépris des anciens auteurs, avait passé au mépris des anciennes institutions civiles et religieuses ? […] Un moderne eût pris ce vice au grave ; il eût fait d’un pareil sujet un drame pathétique et moral, où il eût prodigué les exclamations et les apostrophes, sans oublier le mot nature, qui dans chaque phrase eût admirablement roulé. Il eût essayé de faire couler des larmes en faveur de la jeune infortunée, victime de la coquetterie d’une marâtre ; mais du temps de Quinault, ce n’était point la mode du galimatias sentimental et moral. […] Nos gascons illuminés des derniers temps de la monarchie ont poussé à cet égard la jactance et les fanfaronnades jusqu’à l’excès le plus comique ; c’est précisément dans les plus violens transports de leur délire politique et moral, qu’ils se proclamaient modestement eux-mêmes les seuls hommes raisonnables qui eussent encore existé dans le monde ; à les entendre, on les avait attendus pour penser.