Dans un voyage qu’il fit à travers la Bourgogne et les provinces du Midi, il est touchant de le voir « rôder par les champs et dénicher les habitants dans leurs chaumières, regarder dans leur pot-au-feu, manger leur pain, se coucher sur leurs lits sous prétexte de se reposer, mais, dans le fait, pour s’assurer s’ils sont assez doux. » De retour en Amérique, après des adieux bien vifs à la France, pour laquelle il garda toujours une prédilection vraiment tendre, Jefferson suivit jusqu’au bout les vicissitudes et les progrès de ce grand et bon peuple, qu’il considérait comme l’initiateur du vieux monde. […] Quoi qu’il en soit, sa chute et la révolution qu’elle amena sont proclamées par Jefferson heureuses pour la France et pour le monde. […] De tels hommes, au lieu de s’embarrasser des divergences et des réfractions multipliées de la pensée religieuse dans le cours des temps, appliquaient immédiatement à l’examen des questions un rayon simple et bien dirigé, et ils arrivaient à la vérité morale par un accès naturel, sans passer à travers les vestibules, les dédales et toutes les épreuves irritantes du vieux monde. […] Une expérience rigoureuse lui avait appris qu’aux maux profonds, aux peines du dedans, il n’est de remède que le temps, le silence absolu, et aussi l’espoir de ce monde invisible où nous nous réunissons dans nos pures essences.
Moi, je ne sais plus, ayant la mémoire la plus capricieuse du monde. […] Seulement cette vue farouche du monde s’accompagnait chez Flaubert de lyrisme romantique. […] Je ne pense pas que jamais jeune homme ait jeté sur le monde un regard plus clairvoyant, plus tranquille et plus froid que Maupassant à vingt-cinq ans. […] Vous, mon cher Bourget, vous avez un tas d’intentions et d’affectations ; nul romancier ne transforme plus complètement que vous la matière première de ses récits ; vous ajoutez votre esprit tout entier à chacune des parcelles du monde que vous exprimez dans vos livres ; vous vous donnez un mal de tous les diables, vous fatiguez, vous exaspérez ; avec tout cela vous contraignez à penser et l’on peut disserter sur vous indéfiniment.