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794. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Mais ce n’est pas d’elle non plus que nous avons en ce moment à parler ; femme aimable et qu’on aime à rencontrer dans ce monde-là, elle n’a pas, dans l’histoire de la société d’alors, le degré d’importance des deux autres […] On la rencontre à Versailles, en 1750, y allant faire une révérence à l’occasion de la mort de M. de Rouverel son beau-père, ce qui doit faire supposer qu’à cette date elle n’était point encore séparée de son mari et qu’il n’y avait pas eu éclat ; le moment toutefois approchait. […] Si quelqu’un de ceux qu’il aimait était malade, il ne manquait pas de le visiter régulièrement ; je l’ai vu, pendant six semaines, aller tous les jours chez M. de Pont-de-Veyle, et ne pas l’abandonner jusqu’au dernier moment. […] Le comte, blessé du procédé, ayant consulté son père sur ce qu’il devait faire à cet égard : « Mon fils, lui répondit le prince, il faut savoir si le refus de M. de Choiseul est dans les règles, en ce cas vous n’avez rien à dire ; sinon, il est bon gentilhomme, et vous pouvez lui faire l’honneur de vous battre avec lui. » Tel était, sur ces dernières pentes de l’ancienne monarchie, un prince du sang, philosophe faute de mieux et comme pis-aller, le plus poli des gentilshommes, sans autre ambition définitive que celle de plaire, bien plus de Paris que de Versailles, les délices du Parlement, celui enfin que Mme de Boufflers sut retenir, captiver jusqu’au bout par les liens au moins de l’esprit et de l’affection, et qu’elle avait même espéré, à un moment, épouser. […] Ce qu’elle espéra, ce qu’elle agita de pensées tumultueuses, ce qu’elle souffrit en ces moments, nous est révélé par des lettres de David Hume, le grand historien et philosophe, qui était devenu l’ami intime de Mme de Boufflers, son conseiller, une espèce de confesseur pour elle au moral24.

795. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Dans cette bataille d’Eylau, après le moment critique passé, mais avant l’arrivée de Ney sur la fin de l’action, Napoléon, rentré dans la ville, hésitait sur ce qu’il ferait le lendemain. […] Plus tard, dans la poursuite de l’armée anglaise commandée par Moore, Ney, tenté un moment de prendre la meilleure direction, n’ose le faire de son chef, et il ne vient plus ensuite qu’en réserve derrière Soult. […] Une ouverture avait déjà été faite de ce côté auprès de Jomini en 1807, pour qu’il entrât au service de la Russie, qui croyait avoir besoin à ce moment d’officiers de mérite, et qui a toujours été accueillante pour les étrangers. […]  » Jomini ne s’était fait illusion à aucun moment sur l’issue de cette campagne de 1812. […] Consulté par l’Empereur sur le point où l’on pouvait franchir la Bérésina, il donna un bon avis, dissuada d’une manœuvre militaire, d’une concentration de forces dont Napoléon eut l’idée un moment, et qui eût été facile en Souabe ou en Lombardie, mais qui n’était plus de saison dans les circonstances présentes.

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