Ce que la France, l’Allemagne, l’Angleterre ont d’antique, d’héroïque, d’éloquent et d’attique dans leurs monuments et dans leurs mœurs, vient de Florence. […] Elle encourage les arts qui succèdent aux industries ; Florence se couvre de monuments, véritable diadème de l’Italie moderne ; elle semble gouvernée pour l’honneur de l’esprit humain par une dynastie de Périclès ; sa langue devient la langue classique de l’Italie régénérée ; ses mœurs s’adoucissent comme ses lois ; son peuple, déshabitué des guerres civiles, reste actif sans être turbulent ; il cultive, il fabrique, il navigue, il commerce, il bâtit, il sculpte, il peint, il discute, il chante, il jouit d’un régime tempéré et serein comme son climat ; les collines de l’Arno, couvertes de palais, de villages, de fabriques, d’oliviers, de vignobles, de mûriers, qui lui versent l’huile, le vin, la soie, deviennent pendant trois siècles l’Arcadie industrielle du monde ! […] XXVII On a vu ces princes se glisser presque furtivement en Italie, quoique n’ayant rien d’italien ni dans le sang, ni dans les mœurs, ni dans la langue, à l’époque où la confusion des guerres intestines de la Lombardie laissait leurs incursions libres et impunies. […] Nice, la Savoie, le Piémont, adhèrent de tout leur patriotisme civil et militaire à la France ; ils sont accoutumés à changer de patrie ; ils honorent toutes celles qu’ils adoptent, pourvu que ces patries les grandissent ; la maison de Savoie leur a inoculé ces mœurs politiques.
Il se montra de bonne heure digne de cette tutelle sur sa famille par la sagesse de sa conduite, le bon sens de son esprit, la gravité précoce de ses mœurs, l’élégance de ses manières à la cour des princes de la maison d’Este. […] Ces légèretés du style de l’Arioste, au reste, étaient dans les mœurs de son pays et de son temps. […] Quoique très exemplaire dans ses mœurs et très pieux dans ses pratiques, le canonico n’avait rien du rigoriste dans ses plaisirs d’esprit ; il avait un tel fond d’innocence dans le cœur, qu’il ne se scandalisait jamais des légèretés décentes de lecture ou de conversation autour de lui. […] Une fille de roi, aimée d’un paladin de la cour de son père ; une amitié tendre entre cette princesse et sa suivante, devenue en grandissant avec elle son amie ; la séduction de cette Olinde par un débauché qui abuse de son innocence, cette ruse infernale de l’échange des vêtements sur le balcon, qui donne l’apparence du crime à l’innocence endormie ; le désespoir de ce fidèle amant, témoin de la fausse infidélité de celle qu’il respecte et qu’il adore, le silence qu’il s’impose, et la mort qu’il essaye de se donner pour ne pas flétrir celle qui lui perce le cœur ; ce Renaud, étranger à tous ces intérêts d’innocence, d’amour ou de crime, qui vient, par le pieux culte de la femme et de la justice, se jeter l’épée à la main dans cette mêlée comme la Providence ; ce vieux roi, qui pleure sa fille et qui la livre à sa condamnation à mort par respect pour les mœurs féroces de son peuple ; cet Ariodant, qui se revêt chez l’ermite de son armure de deuil, et qui va combattre masqué contre son propre frère pour le salut de celle dont le crime apparent le fait mourir deux fois ; ce repentir et cette confidence de la suivante Olinde dans la forêt, retrouvée comme la vérité au fond du sépulcre ; ce Renaud, qui interrompt heureusement le combat fratricide entre Ariodant et Lurcin, qui tue Polinesso et qui lui arrache la confession de l’amour de Ginevra ; ces deux amants qui se retrouvent, l’une dans son innocence, l’autre dans son dévouement, et qui s’unissent dans les bras du vieux roi aux acclamations du peuple !