La Gaule a disparu sous la France ; et la France elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] La comédie est la peinture des mœurs. Un poète tragique ou épique, comme Corneille ou comme Racine, peut imiter l’antiquité, parce qu’il peint la fable ou l’histoire, choses antiques qui se prêtent aux costumes et aux passions hors du temps ; mais un poète comique n’est comique qu’à la condition d’être vrai, d’être actuel et de prendre ses modèles, ses couleurs et ses aventures, non dans des mœurs mortes, mais dans des mœurs vivantes. Aussi est-il ramené forcément à l’originalité par la nécessité de copier, non ce qu’il a lu, mais ce qu’il a vu sous ses yeux dans les mœurs de son pays et de son époque. […] si la peinture de mœurs et la poésie ne sont pas deux choses très dissemblables dans le fond, quoique se ressemblant en apparence par la langue rythmée et rimée ?
Nous voici conduits au principe nouveau, large, fécond, dont Mme de Staël a voulu donner la démonstration par son livre, et qui contient tout le développement postérieur de la critique : « Je me suis proposé, dit-elle, d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs, des lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la religion, les mœurs et les lois… Il me semble que l’on n’a pas suffisamment analysé les causes morales et politiques qui modifient l’esprit de la littérature… En observant les différences caractéristiques qui se trouvent entre les écrits des Italiens, des Anglais, des Allemands et des Français, j’ai cru pouvoir démontrer que les institutions politiques et religieuses avaient la plus grande part à ces diversités constantes. » Il semble qu’elle ne tienne pas trop, pour la poésie, à sa doctrine du progrès, et qu’elle se contente de constater des différences : si c’est sa pensée, la correction est heureuse. […] Il se divise en quatre parties : 1° De l’Allemagne et des mœurs des Allemands ; 2° De la littérature et des arts ; 3° La philosophie et la morale ; 4° La religion de l’enthousiasme. […] Puisque le rapport est étroit entre la littérature et les mœurs, cette différence devra produire en Allemagne et en France des littératures tout à fait dissemblables.