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451. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Et vous venez de voir ce qu’elles sont sous cette plume d’un homme qui ne raisonne pas et qui n’enchaîne rien ; qui, pour autoriser ou défendre un athéisme vieux comme le monde, n’apporte pas une seule idée qui lui appartienne, un seul aperçu nouveau à la masse, et dont toute la puissance ou l’impuissance consiste à remplacer les mots par les mots, les mots anciens par les mots modernes, les mots de Diderot, par exemple, par les mots de Darwin, croyant que tout cela fait une idée, cette opération… Tête verbale, pour qui les mots scientifiques sont bien plus que la science elle-même, M.  […] Il est à cheval sur le monde ancien et le monde moderne, étonnant et superbe califourchon ! […] Ni les miracles des martyrs que l’esprit moderne cherche à expliquer, mais avec prudence, ni l’état exalté et violent des esprits au moment où des hérésies comme celles de Montanus et de Marcion enflammaient l’atmosphère autour de tout ce qui était chrétien, ne balancent ce fait inouï, qui réalise, dès le commencement du Christianisme, la parole de Jésus-Christ à son Église, sous la plume même de l’auteur de la Vie de Jésus, du négateur avoué du surnaturalisme dans l’Histoire ! […] Renan s’est si ridiculement épris, et qui, avec ses courtes idées de romain et de philosophe, ne comprit rien à ce bouillonnement religieux puisqu’il voulait l’éteindre brutalement dans le sang de la plus inepte et de la plus cruelle des persécutions… Et, pourtant, si les idées de civilisation et de progrès, que l’esprit moderne proclame comme la gloire du genre humain et son ascendante destinée, ne sont pas des mots vides de sens et de certitude, Marc-Aurèle, pour peu qu’il eût été ce que son historien prétend qu’il fut, aurait tenu pour les chrétiens contre le monde antique ; car les chrétiens, c’était alors la civilisation et le progrès tels que nous les entendons aujourd’hui. […] Renan et ne sent jamais le grand, parce que le grand ne se sent qu’avec l’âme, l’écrivain n’est jamais, dans son Antechrist, au niveau des choses horriblement grandioses qu’il avait à raconter, et qu’il n’avait pas à diminuer puisque ce ne sont pas des choses chrétiennes… Le Néron que je cherchais dans cet Antechrist, qui est Néron et qui le fût aux yeux des chrétiens de son temps, lesquels avaient plus d’imagination que le détracteur qui leur prend ce nom pour en tirer un livre, Néron est moins terrible, moins extraordinaire et moins frappant sous les phrases trop modernes que M. 

452. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

C’est tout le monde moderne dans une question. Il ne s’en aperçoit même pas, lui, cet homme si moderne qu’il en est insensé d’enthousiasme ! […] Il est passé au triste-à-pattes de l’erreur moderne ; il est aussi ennuyeux que tous les autres : Quinet, Martin, Littré et toute la file ! […] Le Christianisme, pour le monde moderne et à tous les étages de l’intelligence, est l’enveloppement de la vérité dernière. […] Risum teneatis… Guenille de Christianisme quand il parle de la nécessité d’un « médiateur » entre les hommes, — mot et idée de la langue chrétienne, plus forte que la bouche qui la parle sans la comprendre, — mais, presque au même instant, guenille de paganisme aussi quand il ajoute que le « médiateur » des temps modernes c’est le jeune homme, et uniquement parce qu’il est un jeune homme, et non pour une raison plus haute que son éphémère juvénilité !

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