On mettra en honneur celui urbanité devenu nécessaire pour exprimer le raffinement des mœurs. […] C’est là que pourrait bien avoir pris naissance un art encore très français, celui de séculariser la philosophie et de populariser la science, j’entends le talent de mettre à la portée des intelligences à demi cultivées les mystères réservés d’abord aux initiés. […] Il ne leur parle qu’en madrigaux ; il met à leur service un fonds inépuisable de friandises galantes. […] Mais mettez-le en présence de l’ennemi et voyez comme il le ménage, comme il a peur de l’égratigner. […] Je pourrais citer mille travestissements du même genre ; je n’en rappellerai qu’un Legouvé (le père), dans sa tragédie La mort de Henri IV, rencontra sur sa route le mot si connu : « Je voudrais que chaque paysan pût mettre la poule au pot le dimanche. » Une poule !
La Fontaine, si original dans sa manière, met ses fables sous la protection d’Esope et de Phèdre ; on dirait, à l’entendre, qu’il se borne à les traduire, à les interpréter. […] Les anciens mis à part, ils n’entendent relever que d’eux-mêmes. […] Molière, le moins religieux des écrivains d’alors, a soin, quand il attaque les faux dévots, de mettre dans la bouche d’un de ses personnages l’éloge de la piété sincère. […] La prose deviendra peu à peu tendue et subtile, et, dès le début de l’époque suivante, La Bruyère pourra écrire : « On a mis dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable ; cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. » Cette même tendance de la littérature à devenir de plus en plus raisonnable et raisonneuse se montre sous une autre forme au théâtre. […] De 1715 à 1760, la prose méritera de passer avant la poésie et la littérature à visées philosophiques sera sans doute celle qu’il faudra mettre au premier plan.