Du moins, même chez les meilleurs, ce qu’on appelle le progrès de la vie est bien inférieur à ce premier idéal que réalisa un moment la jeunesse. […] Elle prélude au style ; les périphrases réputées élégantes, les épithètes de dictionnaire (grelot de la folie, docile écolière de l’indolent Épicure, folâtre enfant des ris), surabondent par moments : « Tu sais, écrit-elle un jour à son amie, que j’habite les bords de la Seine, vers la pointe de cette île où se voit la statue du meilleur des rois. […] Le meilleur de Campistron touche au faible de Racine, le Raynal joue souvent à l’œil le Rousseau.
De ces premières saisons de Bertrand, en ce qu’elles avaient de suave, de franc malgré tout et d’heureux, rien ne saurait nous laisser une meilleure idée qu’une page toute naturelle, qu’il a retranchée ensuite de son volume de choix, précisément comme trop naturelle et trop prolongée sans doute, car il aimait à réfléchir à l’infini ses impressions et à les concentrer, pour ainsi dire, sous le cristal de l’art. […] Plus tard pourtant, si nous en croyons quelques légers indices, il aurait aimé moins vaguement, ou cru aimer ; mais, même alors, le meilleur de son cœur dut être toujours pour l’Ange et pour l’Ombre. […] Même à ses meilleurs moments, il s’est trop retranché des sources vives. — On ne saurait aussi, à propos de cette page, ne pas se souvenir de l’admirable tableau qui termine l’idylle de Théocrite, les Thalysies.