En tout cela il s’agit de sacrifier quelques désirs, quelques éléments psychiques, d’en fortifier d’autres, pour arriver à une meilleure santé, à une plus grande vigueur du corps et de l’esprit. […] Parfois un homme renonce à la vie plutôt que de laisser périr d’autres hommes, ou plutôt que de ne pas obéir à des commandements moraux ou religieux que la société lui a inculqués, et qui représentent, en lui et pour lui, soit les désirs d’autrui, soit la société, soit la volonté de Dieu, ou quelque rêve d’idéal, quelque obscure loi d’un monde meilleur vaguement entrevu. […] L’ensemble des illusions et des mensonges de la morale, dont le bon emploi serait de préparer une meilleure systématisation de l’homme et du monde et de s’évanouir en elle, au lieu de tendre à se supprimer progressivement, en vient à se considérer comme l’essence et la raison d’être de l’univers, à ne voir dans le monde qu’une occasion de sa propre existence, à s’hypertrophier maladivement, à nuire à sa propre évolution, et à démentir ainsi son propre mensonge.
Cette édition, publiée sous les auspices de la Société de l’histoire de France, n’est pas seulement meilleure que celle qu’on possédait jusqu’ici, elle est la seule tout à fait bonne, digne d’être réputée classique et pour le texte que l’éditeur a restitué d’après une comparaison attentive des manuscrits, et pour les noms propres dont un grand nombre avaient été défigurés et qu’il a fallu rétablir, et pour les notes exactes et sobres qui éclaircissent les endroits essentiels, enfin pour la biographie de Commynes lui-même, laquelle se trouve pour la première fois complétée et éclaircie dans ses points les plus importants. […] Et enfin Commynes, qui démêle les vraies raisons, même dans l’héroïsme, remarque que les meilleurs archers sont ceux qui n’ont rien vu, qui n’ont pas vu encore le fer de l’ennemi (nous dirions le feu), parce qu’ils ne connaissent pas le péril. […] Il n’avait pas eu plus d’éducation que M. de La Rochefoucauld, pas d’autre que celle des hommes et des choses ; aux esprits bien faits c’est la meilleure, et elle suffit.