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791. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

En sa qualité de père de l’Église, il haïssait la comédie, il exécrait les comédiens et les comédiennes, il ne comprenait pas cette poésie avide de licences, amie et compagne des plus vives passions de la jeunesse ; il se rappelait l’anathème antique, et de cette illustre invention il ne voyait que le désordre, les mauvais penchants, les mauvais conseils, l’obscénité. […] Alors, une fois vainqueur, et quand son ancien ami est tiré du danger, Alceste commence sa harangue ; il accable de son mépris et de ses reproches ce vil Philinte, l’indigne mari de cette noble Éliante, ce mauvais homme qu’il a sauvé de sa ruine et qui, pendant toute la pièce, n’a pas une bonne pensée dans le cœur ! […] J’ai en horreur les méchancetés inutiles ; à aucun prix je ne voudrais dire à un homme : — Vous êtes un mauvais comédien, vous êtes un mauvais poète, si à toute force il n’y a pas, à côté de cette cruauté salutaire, quelque moyen de sauver ce malheureux de sa propre sottise. […] Alceste, le nouveau débarqué de Versailles, ce beau gentilhomme qui est élégant malgré lui, cet homme honnête et sérieux, qui a pour ennemis tous les mauvais poètes, pour rivaux tous les fats de la cour ; Alceste représenté par un jeune fourrier de la garde nationale de Marseille ! […] C’est lui, c’est sa bonté, c’est son esprit, c’est son austérité tant soit peu janséniste, c’est le ton parfait qu’il avait pris, de très bonne heure, dans l’intimité du prince de Conti et dans les petits appartements du roi ; c’est son amour passionné pour cette indigne femme, si jolie et si éclatante, qui l’a rendu le plus malheureux des hommes ; c’est cette jalousie cachée dont il rougissait en lui-même comme il eût rougi d’une mauvaise action.

792. (1888) La critique scientifique « Avant-propos »

Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer des préférences, ou l’analyse de ce poème en quête de renseignements esthétiques, psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des causes sous des faits, des lois sous des phénomènes étudiés sans partialité et sans choix.

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