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322. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Cette Académie comprend un certain nombre d’écrivains, (j’en admire quelques-uns) qui se réunissent pour des raisons tout autres que littéraires : prix aux sauveteurs, aux vieux domestiques vertueux, aux riches maîtresses de maison. […] Pour nous, chères Marges, laissons la très illustre et respectable maison à sa place, très haut dans la hiérarchie sociale, et tout à fait en marge de ce qui nous occupe, je veux dire l’art, la poésie, etc… Louis Dumur En décadence, non, si l’on s’en tient aux principes qui ont toujours prévalu à l’Académie. […] À peine aurait-il tiré la sonnette, il n’eût pas attendu qu’on lui ouvrît et aurait redescendu précipitamment l’escalier, en grommelant dans sa moustache : « Cette maison est sinistre… » Puis, se disant des vers à lui-même, il serait allé s’asseoir tranquillement au café d’en face. […] C’est un endroit de bonne compagnie, où on reçoit des gens d’esprit, des amateurs, des savants, des militaires, des gentilshommes, pourvu qu’ils sachent garder le ton de la maison.

323. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Le nu délabrement des galetas, les maisons sordides, où sur l’ombre puante des escaliers claquent des portes pendantes, les entrées subites d’inconnus par des seuils béants, les cafés lumineux où, sous le jet des gaz et la vapeur traînante des alcools, s’exacerbe la virulence des maniaques, les hôtels borgnes qui logent entre des draps froids les dormeurs d’une dernière nuit, la toux hoquetante des phtisiques, le souffle nocturne du vent dans des cimes pliantes, — sont les vues et les bruits dont le caractère vaguement redoutable emplit encore d’appréhension des lieux plus sûrs, les rues, les appartements, les bureaux. […] Ces spectacles et ces récits, brouillés encore de l’incohérence, et de l’oppression des rêves qui les interrompent, forment la matière d’étranges livres ; dénués de toute poésie expresse, sombres, tristes, sales et bas, ils évoquent sourdement comme une haute fantasmagorie où les rues, les maisons et les êtres, d’abord stables ou marchants, vacillent tout à coup et planent, ombres ou noirs profils de songes. […] Par les portes lentement ouvertes, les inconnus qui pénètrent avec des airs de spectres se résolvent en hommes charnels, vicieux et riants ; les maisons sont hantées et profanées par devrais assassins aux mains humides d’un sang qui glue ; la justice reçoit la victime qu’elle exige, d’un magistrat court, bouffi, jaune, fumeur de cigarettes, et sa cruauté dialectique, aux prises avec la rude énergie du meurtrier, dans un duel dont l’âpre et croissante horreur n’a pas d’exemple, s’exerce entre des murs blanchis, dans un bureau où des fonctionnaires entrent. […] Il en sait l’aspect coutumier autour des bouges et dans les ruelles, les victimes que ce flot charrie et les raffinements dont elle s’orne pour les riches dans les maisons basses où l’on entend des cris d’enfant.

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