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586. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

* * * — Au bas du trottoir de la rue de Clichy, un homme tendant la main à un autre : « Donne-moi la cuiller ?  […] Je suis frappé de la pâleur de cire de ses mains. […] On permettait au prince impérial, de les voir sans y toucher, et l’enfant avait un désir fou de les tenir entre ses mains. […] Un dîneur de Brébant racontait, ce soir, que déjeunant, un jour, avec Taine, Pierre Leroux, et Bertrand, qui était l’amphitryon, au moment, où le garçon rapportait la monnaie d’un billet de cent francs, Pierre Leroux disait à Bertrand, en faisant sauter l’argent de l’assiette dans sa main : « Est-ce que tu fais quelque chose de cette monnaie ? » — et sans attendre la réponse, la faisait passer du creux de sa main dans son gousset.

587. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Même dans les détails d’érudition qu’il rassemble, il paraît ignorer ce qu’un hymne de Pindare aurait dû lui apprendre : s’indignant qu’on ait pu croire les chants du poëte grec un amas de chansons « cousues ensemble, et par là même nommées rapsodies », il répond avec autorité : « Ce mot ne vient point de ῥάπτειν, qui signifie joindre, coudre ensemble, mais de ῥάϐδος, qui veut dire une branche ; et les livres de l’Iliade et de l’Odyssée furent ainsi appelés, parce qu’il y « avait autrefois des gens qui les chantaient, une branche de laurier à la main, et qu’on appelait à cause de cela les Chantres de la branche. » À la bonne heure ! […] Enfin on peut s’étonner que, si Boileau préférait l’autre étymologie plus gracieuse du mot rapsode, il n’ait pas ailleurs emprunté de Pindare une allusion directe à cette coutume antique de chanter les vers d’Homère, un rameau de laurier à la main. […] Vers le même temps cependant, une main plus habile, formée du moins à l’école de la tradition classique, dont elle recueillait les nobles artifices, s’essaya sur le génie qu’Horace avait nommé jadis inimitable. […] Qu’eût-il dit cependant, si, au lieu de la citation tronquée que donne Montesquieu, il eût considéré les fermes paroles du texte original, qu’on doit traduire exactement ainsi : « Roi de toutes les choses mortelles et immortelles, la loi, établit d’une main toute-puissante la contrainte suprême de la justice18 ?  […] « Douce tranquillité, dit-il alors, fille de la justice, toi qui agrandis les cités, tenant dans tes mains les clefs des conseils et des guerres, reçois pour Aristomène l’honneur de la palme pythique ; car tu sais donner le bonheur et en jouir à propos.

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