C’est un sceptique, qui sans la politique serait peut-être un athée, un utilitaire de religion, qui met la morale au-dessus de toute religion positive, la morale sans sanction, se payant de ses propres mains ses propres mérites, et se punissant de ces mêmes mains qui n’osent se frapper jamais. […] Jusque-là, pour moi aussi, Rivarol, le grand conversationniste Rivarol, était bien au-dessus du Rivarol des livres ; et c’était là sa vraie gloire, bien autrement méritée, bien autrement triomphante et poétique que la gloire positive qu’on discute pièces et livres en main… Il avait celle-là qui ne laisse rien après elle pour qu’on puisse la juger.
Vous savez qu’on a constaté qu’une grande révolution vint détruire cette création, comme si elle n’eût pas été digne de la main qui l’avait formée. […] Puisque chaque être a sa fin, la création, qui n’est que l’ensemble des êtres, a sa fin ; « et les fins particulières de tous les êtres qui peuplent et composent l’univers ne sont que des moyens divers qui concourent à l’accomplissement de cette fin totale et suprême. » — « Ce concours des fins éparses aspire à un but unique, celui-là même que Dieu s’est proposé en laissant échapper l’univers de ses mains. » Jusqu’ici les conceptions et les déductions qu’on vient de lire ne sont que spéculatives ; la remarque suivante les rend pratiques ; elles n’étaient que des œuvres de science, elles deviennent des ressorts d’action. […] Ici, comme ailleurs, il garde l’empreinte de ses deux natures : chrétien converti, philosophe tardif, conduit par une méthode sévère, appesanti par des souvenirs d’enfance, il s’est agité et il s’est meurtri ; la moitié de sa peine est demeurée stérile ; de ses mains inquiètes il a ouvert la science, et s’est assis blessé sur le seuil.