III « Le jour se retirait », chante le poète au commencement du second chant, « et l’air rembruni enlevait au sentiment de leur peine tous les êtres animés qui sont sur la terre, quand, seul éveillé, je me préparais à soutenir la double épreuve de la lassitude et de la compassion, épreuves que va retracer ma mémoire, qui ne défaillit jamais ! […] « “L’amour, qui s’allume rapidement dans un cœur sensible et tendre, s’alluma dans le cœur de celui-ci pour le corps que j’avais alors, et qui me fut ravi par une mort dont l’horreur irrite encore ma mémoire. […] Il ne manque là que la mère ou le souvenir de la mère absente ; mais le poète a senti avec un merveilleux instinct qu’il fallait écarter la mère de ce groupe ; sans quoi on n’aurait pas pu achever la lecture : le cœur se serait brisé à son premier sanglot ou seulement à sa première mémoire. […] Le souvenir d’un de ces monuments de larmes, de ces pierres milliaires du pèlerinage de la vie au ciel, se représente avec tous ses accidents de lumière, d’ombre et de nature pittoresque à ma mémoire. […] « Mon fils », lui dit Virgile, « entre ta Béatrice et toi il n’y a plus de mur. » « De même qu’au nom de sa chère Thisbé Pyrame prêt à mourir rouvrit sa paupière et la regarda à l’heure où le mûrier devint vermeil, ainsi, ma sécheresse s’amollissant tout à coup, je me tournai vers le sage guide en entendant le nom qui me reverdit éternellement dans la mémoire !
On a, dans les Mémoires de Napoléon, un récit de ce même accident, de cette catastrophe définitive ; elle est retracée avec une rapidité et avec une certitude péremptoire que lui seul, l’acteur principal et le conquérant, pouvait se permettre. […] Un poème de l’ordre didactique le plus élevé, L’Astronomie, occupa ses derniers loisirs104 : il l’entreprit sur le conseil même de l’illustre Laplace, et s’appliqua à confier au rythme ami de la mémoire les principales vérités de la mécanique céleste, et même l’histoire de la science et des divers systèmes en vogue avant que l’explication newtonienne eût fixé le centre du monde. […] [NdA] On se rappelle, sur ce même sujet, les fragments de Mémoires du duc de Bellune, publiés dans Le Moniteur (13, 14 et 21 mai 1853).