Ils étaient nombreux, volumineux, sincères ; flattés de ce qu’une main libre cherchait dans leurs portefeuilles ou dans leur mémoire l’impartiale lumière qui ne luit qu’après que les partis sont morts et que les ressentiments sont éteints. […] Nous écrivions les scènes, les portraits, les paroles, à mesure que ses souvenirs, provoqués par nos questions, se retrouvaient et se déroulaient dans la mémoire du vieillard : c’étaient comme les notes du tableau historique et véridique que je me proposais de composer d’ensemble à mon retour. […] Je lui répétai ce que lui avait dit à ce sujet Béranger : « Je ne me présente point à vous, lui dis-je, comme un partisan de la terreur et comme un réhabilitateur de la mémoire que vous cultivez. […] Elle m’accorda un libre accès dans sa retraite et me laissa feuilleter à mon aise, et page par page, sa mémoire présente, intarissable et passionnée sur tous les détails intérieurs ou extérieurs de la vie privée et de la vie publique de Robespierre. […] XVI Saint-Just aussi jouait un grand rôle dans cette mémoire.
Lorsque je parlais, il y a quelques mois, dans Le Moniteur (20 avril 1857), des mémoires et Souvenirs du général Pelleport, je cherchais un nom, un type qui résumât avec gloire, aux yeux de tous, cette race d’hommes simples, purs, intrépides, obéissants et intelligents, les premiers du second ordre, les premiers lieutenants du général en chef, ses principaux exécutants et ses bras droits un jour d’action, et qui, tout entiers à l’honneur et au devoir, ne sont appliqués qu’à verser utilement leur sang et à bien servir. […] On lit dans la premier volume des Mémoires sur les campagnes des armées du Rhin, par le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, de bien étonnants détails sur les nominations de généraux, et même de généraux en chef, qui se faisaient alors ; il y a surtout la nomination d’un certain général Carlin ou Carlenc, mis à la tête de l’armée du Rhin sur le refus de tous les autres : c’est une véritable scène de comédie. […] Davout et les divisions Morand, Friant, Gudin, qui formaient le noyau de ce 3e corps invincible, sont comme un seul nom indissolublement enchaîné dans la mémoire quand on a lu une fois dans un récit rapide les opérations de ces guerres ; c’est comme un seul homme inséparable qui frappe et agit sans cesse, et dont le triple coup retentit. — Friant est une des principales articulations dans ce grand corps appelé la Grande Armée.