I Causons à l’ombre de ce dernier bouquet de chênes de la colline de Saint-Point, puisqu’un véritable soleil d’Athènes luit aujourd’hui sur cette vallée de Gaules, fait grincer la cigale d’Attique dans les joncs desséchés des bords de la Valouze, comme je les ai entendues autrefois dans les lits poudreux du Céphyse, et puisque la lumière ardente du midi répercutée et rejaillissante de ces roches grises, en faisant nager et onduler dans l’éther les cimes dentelées de ces montagnes, me fait songer, autant que ce livre ouvert sur mes genoux, à cette lumière dorée de la Grèce. […] L’éclat du soleil d’été qui s’y répercute dans sa nappe éblouit la vallée entière d’une fumée de lumière, d’une sorte de brouillard de rayons qui double tout à coup le jour de la surface de la vallée, comme une glace double la clarté dans une chambre obscure ; on ne voit pas encore le lac qu’on voit déjà sa lueur monter dans le ciel comme un incendie des eaux ; on regrette de ne pas pénétrer dans cette gorge éblouissante, qui mène le voyageur par une avenue d’eau et de forêts à Genève ; mais la route de Franche-Comté continue à suivre la rivière d’Ain, et on la côtoie de village en village sur des collines qui s’élèvent insensiblement et par une vallée qui se rétrécit toujours. […] Nous allons l’apprécier tout à l’heure, mais l’apprécier avec respect et déférence, comme un homme qui n’a que des impressions apprécie l’homme qui a des connaissances ; M. de Ronchaud a des lumières, je n’ai que des lueurs.
C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissés mûrir ! […] L’enfant dont la mort cruelle Vient de vider le berceau, Qui tomba de la mamelle Au lit glacé du tombeau ; Tous ceux enfin dont la vie, Un jour ou l’autre ravie, Emporte une part de nous, Murmurent sous la poussière : « Vous qui voyez la lumière, De nous vous souvenez-vous ? […] Vont-ils peupler ces îles de lumière ? […] Si tu scrutes la poussière, Elle s’enfuit à ta voix ; Si tu touches la lumière, Elle ternira tes doigts ; Si ton œil divin les sonde, Les colonnes de ce monde Et des cieux chancelleront ; Si tu dis à l’innocence, « Monte et plaide en ma présence !